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PRÉSENCES

cueille point : elles durent peu, séparées du sol ; sauvages, elles s’épanouissent en liberté à la cadence des jours. Tu les distingueras dès le printemps, presque sous la neige, puis dans l’éclat des étés. Jaunes, blanches, bleues, violacées ou vieux rose, et de bien d’autres nuances, presque toujours frêles, elles parsèment les champs et les fossés de leurs tiges, secouées, tordues aux heures de tempête, apaisées sous l’ombre des soirs qu’elles embaument.

Elles apparaissent tout à coup, leur moment venu. Un matin l’œil bleu de la chicorée sauvage pointe partout, tandis que les mélilots achèvent de durer, que l’églantine pâlit et que la verge d’or tend vers la floraison sa tige encore verte. Elles forment le tapis des champs aux dessins peut-être monotones, mais pleins d’intérêt pour qui sait en suivre le déroulement.

Je n’ai rien dit des plantes aquatiques : sagittaires, nénuphars, quenouilles. Quelle joie j’éprouvais, quand j’étais plus jeune, à flâner en canot sur les eaux calmes et à laisser tremper mes mains dans l’ombre fraîche. Je ressens encore le contact des plantes profondes tendues vers le soleil et je revois leurs feuilles couchées sur l’eau, épousant son mouvement.

Nous ignorons presque la chanson des blés. Ils ne jaunissent plus guère nos champs à la mi-été ; et nous nous arrêtons avec curiosité, avec un sentiment de poésie pour ce qu’il représente, devant l’épi à la tête lourde, aux barbes dressées, à la tige flexible, au bruissement soyeux. Que de noblesse dans l’ondulation d’un champ de blé. Nous nous sommes repliés, à la suite des ensemencements de l’Ouest, sur le foin et la luzerne, le trèfle et l’alfafa, herbes de fourrage, et sur l’avoine. Les