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PRÉSENCES

et, lors des premières neiges, on distingue encore, au bout de ses branches, quelques sequins d’or. Porte aussi tes yeux sur les taillis, tu y retrouveras les tons de la forêt, si vifs que tu en éprouveras une sorte de frémissement. T’ai-je parlé du mariage de la pierre et de la vigne ? — Sur le fond gris, la vigne trace ses enlacements roux qui persistent même sous la première neige. C’est la fin de l’automne.

L’hiver tue l’arbre, mais il lui arrive de le refleurir. Rappelle-toi ces floraisons de givre. À la suite d’une pluie, le froid saisit l’eau et une glace fine s’étend sur le tronc, les branches et les moindres ramilles. Parfois aussi une neige molle et légère épouse la forme de l’arbre. Il arrive que ce décor persiste plusieurs jours, même sous le soleil qui l’exalte. C’est une des beautés de notre hiver, ce long hiver « vêtu de neige depuis les pieds jusques à la tête ! » Il nous offre ses silences ouatés, ses scintillements dans la lumière, les lueurs, les traînées mauves de ses couchers de soleil, le fouettement de ses froids, et mille jeux dont profite la jeunesse.

Es-tu dans ta bibliothèque, près d’un feu de cheminée ? Lève les yeux vers la fenêtre, à l’heure où le soleil descend. Es-tu dans un train ? Quitte un instant ce livre que tu lis mal, que tu reprendras tantôt ; dépose ce dossier qui ajoute à ta fatigue. Rêve un peu et goûte le moment délicieux, le spectacle apaisant du décor silencieux. Tu en garderas une impression de repos et d’intimité. Et tu comprendras. quoi que tu ressentes, que l’on consente à vivre loin des foules, loin des centres, fût-ce dans le repliement et l’abandon, dans l’attente du réveil des champs.

Considère les bois dans les ateliers où on les