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SOUVENIRS

pour en venir à bout et faire de la terre noire. Relis Maria Chapdelaine, le roman de notre conquête du Canada, et dis-toi que c’est nous qui avons mis le pays en marche vers la civilisation, et non les autres qui sont venus après avec leur industrie et leur commerce.

Écoute la chanson des arbres. Vois quelle grâce ils savent mettre dans le mouvement de leur faîte sous le zéphir ou la bise. Ils chuchotent ou ils chantent.

Ils te disent les saisons.

Au printemps, les bourgeons posent leur promesse sur le pays immense. On sent que la vie va éclater. Elle éclate. C’est le moment de parcourir la campagne et de noter un vert tendre que tu ne retrouveras plus. Comme ce moment est bref ! Nos pères l’avaient remarqué. Nous n’avons guère de printemps, mais il est beau, et si tendre sur la vigueur de la terre. Les feuilles jeunes encadrent d’une dentelle le fleuve qui reprend sa couleur avec la vie. Cela évoque certaines peintures de Martin ou de Puvis de Chavannes.

L’été épanouit l’arbre : il apparaît dans sa splendeur.

L’automne exalte l’arbre. Quelle merveille ! Avant la fin d’octobre, va vers nos montagnes. Et si tu as des amis qui ne sont pas du pays, conduis-les en leur promettant un inoubliable spectacle. La montagne est en feu. Tu ne te lasseras pas de distinguer les couleurs épanouies sous un ciel bleu. Arrêté un jour au milieu d’une forêt, seul sur la route éclairée, je n’ai pu me retenir de crier mon admiration. Regarde l’orme jaunir et prendre une teinte vieil or, l’érable rougir, le chêne se bronzer. Le tremble vieillit mal, mais il dure,