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PRÉSENCES

min, parmi un luxe de clôtures et d’enclos. René Bazin reconnaissait là un signe de parenté française : chacun, disait-il, veut être chez soi, comme en France. C’est bien cela. Tu touches un phénomène complexe, propre à troubler les êtres graves que l’on nomme économistes ou sociologues. On t’a peut-être dit que nous sommes des individualistes à tout crin dont tu connais le refrain : mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre. Cependant, le village t’offre le spectacle d’un peuple communautaire : tu y observeras, si tu l’interroges discrètement, des signes d’entr’aide, d’assistance, de voisinage, qui traduisent le sentiment d’une responsabilité collective allègrement acceptée.

Le village te paraîtra plus ou moins vivant, selon les heures. J’en sais qui, au grand soleil d’été ou sous le froid de l’hiver, s’affaissent. La fameuse rue principale reste vide de longs moments. L’âme s’est retirée dans le silence des maisons où se poursuit la tâche ininterrompue des jours. D’autres s’affairent de leur mieux, s’agitent sans exagération, s’intéressent aux inévitables potins et tranchent, dans des cercles étroits, parfois avec passion, les querelles humaines qui germent d’un terrain propice.

Le dimanche, les villages s’éveillent à l’heure de la messe paroissiale qui réunit, sous le portique de l’église, les gens de la place et des rangs voisins. Vois les premières pages de Maria Chapdelaine où sont délicieusement évoqués ces mouvements de foule qui succèdent à la contrainte pieuse de l’office et laissent éclater la joie et la blague parmi des hommes simples et gais, heureux d’un moment de détente, et peut-être d’oubli : « Ite Missa est. La porte de l’église de Péribonka s’ou-