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PRÉSENCES

tion, la beauté et les traditions. Le patriotisme du Français n’est pas fait d’autre chose que de connaissance et d’amour.

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Je te propose une agréable promenade. Mets ton moteur en marche ou, si tu n’en as pas, confie-toi à celui d’un ami. Dirige-toi vers la campagne. La route est invitante : abandonne-toi à l’aventure. Et regarde, de tous tes yeux ; observe, au lieu d’aller sans but et l’esprit ailleurs. Le sol que tu poursuis porte en relief l’empreinte de notre histoire. Accueille la leçon de la route. Les manuels t’ont aidé à mettre en place ; échappe à leurs bornes pour percevoir le frémissement de la vie. Je te souhaite une journée de soleil, comme nos saisons se plaisent à nous en ménager.

Voici la plaine et les larges reliefs qui l’encerclent : c’est notre horizon familier, et qui laisse soupçonner les fortes articulations du Canada.

Tu recueilleras l’impression d’un pays neuf. Des champs achevés, clôturés, ensemencés, conquis sur la forêt, mais rugueux encore, livrés à la culture jusqu’à la limite de légers bosquets. Peu d’ombre, même autour de la maison. L’arbre rafraîchit plutôt la route et abandonne son reflet à la rivière.

J’ai connu la route, la vraie, ouverte à travers bois et champs, par l’homme préoccupé de conquête et de liaison. Elle était hâtive et terreuse. La pluie et le soleil en sculptaient l’ornière. Le plus souvent grise, parfois ocrée ou rougeâtre, elle prenait une allure familière et musarde, traversant les plaines, escaladant les collines. Abandonnée au profit des boulevards de la vitesse, il en reste encore des tronçons. Les herbes finissent par les