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PRÉSENCES

grands traits par nos missionnaires et nos trappeurs au moment où l’on rêvait d’un empire français, fut repris par les nôtres. Ils se sont multipliés en Acadie, ont pénétré l’Ontario, puis l Ouest. Ils ont rayonné aux États-Unis. Tu verras partout la poussée d’une vie qui s’épanouit.

***

L’essor de notre continent, remarquable par plusieurs aspects, a projeté le Canada dans des voies nouvelles.

Le progrès économique nous a si bien habitués à sa munificence qu’il ne nous étonne plus. Mais, si tu y songes, tu resteras stupéfait devant la tâche accomplie en si peu d’années.

On cite des chiffres sur notre fabrication haletante d’où naît en quelques heures la puissance de l’avion, d’où s’élancent des flottes nolisées et des agents de vie ou de mort à peine refroidis des feux de l’usine. En agriculture, dans la métallurgie, dans l’industrie textile, partout où se poursuit le travail, l’homme veut produire vite et à meilleur compte.

Ainsi s’installe la « production pour le million », comme disent les Américains, le régime de la quantité.

Que devient, te demanderas-tu, dans cette production à outrance, dans ce souci d’expansion matérielle, le culte ancien de la beauté, qui est une des formes de notre salut ? N’est-il pas menacé de toute part par l’ambition de vivre dans le bienêtre ? Si tu médites sur notre temps, tu inclineras à le penser.

Plus riches, sommes-nous décidément voués, sinon à la laideur, du moins à la banalité ? Sans doute, nous n’échapperons pas à l’emprise de la