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PRÉSENCES

autour de l’église, puis le long de la route ou de la rivière, où les maisons se succèdent en voisinage. Elle rayonne par tout le pays son image sans cesse reprise, plus ancienne quand l’homme a paru plus tôt, toute neuve au milieu des bois à peine ouverts. Tu distingueras, sur le sol même, le trait propre à l’humanisation du Canada français : de longs chapelets de foyers paisibles se déroulant au rebord des voies de pénétration.

Tel fut le noyau initial. Mais beaucoup de notables passèrent les mers après la conquête et aux Canadiens français, dépatriés, il resta la terre. C’était presque le dénuement à côté des richesses que les Anglais allaient récolter. Cette population nouvelle reçut bientôt l’appoint de l’immigration des Loyalistes ; et le noyau britannique continua de se fortifier par la venue de colons anglais, écossais, irlandais.

Les deux éléments caractéristiques du Canada, pays bilingue, étaient constitués.

Dès 1884, Hector Fabre signalait l’essor nouveau que la collaboration des groupements ethniques, assemblés dans notre pays, imprimerait au Canada, « coin du globe à retenir ». « Empruntant, poursuivait-il, à l’esprit anglais de sa solidité, à l’esprit écossais de sa prudence, à l esprit français de son éclat, le Canada a conquis, par degrés, l’attention et, ce qui est plus précieux et plus rare, la confiance du monde. » Il l’a gardée. Utilisant toutes ses ressources — celles de la nature et de l’esprit — notre pays a singulièrement accentué sa valeur et donné, dans les bornes de notre territoire et au delà, même dans les deux plus formidables tourmentes que le monde ait connues, le spectacle de sa vigueur et de son désintéressement.

Le peuplement du Canada s’est poursuivi, à la