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SOUVENIRS

son imagination pieuse construit d’inimitables cathédrales ; il se rit des privations et bénit la souffrance ; il est malgré tout brave et gai, puisqu’il est Français ; il est poète à l’heure où son âme oublie ; son grand désir, celui qui remporte, c’est de réaliser le rêve qui l’habite ; mourant, il exhorte encore et le martyre est sa plus magnifique prière.

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Groupés au Canada au nombre de dix mille environ, détachés pour la plupart de la France de l’ouest, les colons furent précieux. Ils avaient les fortes qualités du pionnier terrien, l’habitude ancestrale de la terre difficile. Quand les coureurs de bois s’élancent dans la forêt, eux s’attachent au sol.

Le Français s’est adapté merveilleusement. Il a défriché la forêt et, dans la clairière, installé sa maison, signe de durée : il s’est « habitué » comme on disait alors. La colonisation a pénétré d’abord le long des rivières, des « chemins qui marchent », puis dans l’intérieur des terres, le long des routes qu’elle perçait en plein bois. Le rythme a été partout le même. Par la famille et par le groupement paroissial, le Canadien français a assuré et protégé sa vie traditionnelle.

La famille, qui est ici la vraie « cellule sociale », se plie à l’économie simple des commencements. L’autorité du père, l’influence discrète de la mère, la préservent. Les enfants, devenus grands, se dispersent : ils s’installent, parfois près de leurs parents, parfois au loin, où ils recommencent la même vie.

Les familles réunies sur un même territoire forment un village dont les destinées relèvent du curé. La paroisse, antérieure à la municipalité, se dessine