Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
PRÉSENCES

l’infini mystère des neiges, le grand silence blanc aujourd’hui troublé.

***

Quand on déroule un phénomène humain, on trouve des manifestations semblables, inspiratrices des mêmes élans. Tous les peuples, même les plus anciens, viennent de quelque part, c’est-à-dire d’ailleurs. Tous, sauf le premier qui mit en mouvement la caravane. On distingue une suite de fresques mouvantes sur le mur de l’histoire : les migrations qui font les peuples puis les divisent : les lourds chariots rampant vers des territoires tour à tour conquis, agrandis, abandonnés : l’emprise des peuples barbares mobilisés depuis l’Orient et dont la course n’est pas achevée : la geste du moyen âge et la campagne sainte des Croisades : la troupe légère, colorée de grâce et de bravoure, des trouvères et des troubadours : le rude tour du monde des hommes de métier : les pèlerinages de tout temps et de toute foi ; le détachement des colons vers les solitudes inconnues et des conquistadores vers les « étoiles nouvelles ».

Le souffle gagne notre terre où, depuis des temps qui resteront imprécis, les haltes sauvages se poursuivaient sur des immensités neuves. Les blancs s’adossent aux murailles de l’Est et commencent leur conquête. Que de fois, à la nuit tombante, ai-je cru surprendre sur les bords du grand fleuve l’écho de la pagaye frôlant le canot d’écorce des explorateurs et des trappeurs, faiseurs de sentiers, traceurs de routes, voués à la découverte. Puis des foyers se fondent sur les points du territoire que l’homme a déterminés au gré de son humeur ou de ses craintes : des frontières se dessinent,