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SOUVENIRS

chand, le garagiste, le maître de poste, le médecin, le notaire ; l’église dressée face à une autre qui la regarde de la rive opposée, silencieuse aux heures mortes du jour, animée le dimanche d’une foule bigarrée et pourtant semblable où l’on distingue les gens de la ville ou des champs, ceux-ci marqués de l’âpre signe de la terre, courbés, anguleux, noircis de hâle et striés de sueurs. En faut-il davantage pour dessiner notre histoire, peser nos attitudes et surprendre nos chances de survie ?

Sans doute, mais il reste l immensité. Comment t’y refuser ? Le tableau d ensemble qu’elle t’impose dépasse l’horizon, t’entraîne à mesure qu’il se déplace : à la courbe du fleuve, à un détour de route, au sommet d’une crête. En bref, au delà des yeux du moment.

La province alors te livre ses déroulements, son ampleur, la mobilité de ses lignes baignées dans la fluidité des lumières matinales, fondues dans le jour éteint par le vent d’est, ou précises sous les soleils triomphants. Elle livre ses ciels, la majesté et le caprice de ses eaux ; elle livre ses plaines, ses montagnes, ses champs, ses forêts et ses villes.

La province s’articule au reste du pays. Le Canada se poursuit à l’est et à l’ouest ; masse bourrelée de monts, striée de rivières, piquée de lacs.

Voici d’abord les provinces maritimes, les bien nommées, plongées dans l’océan. Voici la longue vallée qui s’attache au rocher de Québec et se déploie vers les Grands Lacs, jusqu’aux rebords du Plateau laurentien. Voici le Plateau lui-même, la hantise du Plateau, masse énorme. Tu le connais, puisque sa frange forme notre horizon familier, depuis le Mont-Royal. Voici, au delà, les plaines de l’Ouest. Puis les Cordillères et, au Nord,