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PRÉSENCES

s’étale au centre, verrouillée au Plateau laurentien. Les Apalaches que prolongent les Alleghanis se dressent sur l’Atlantique et se replient vers la vallée du Saint-Laurent et les Grands Lacs : au delà, une mer asséchée et riche descend vers le sud et borde à l’ouest le barrage des Rocheuses. Le cercle montagneux s’évase vers l’extrême nord et s’apaise au sud contre les hauteurs mexicaines.

Compare une de nos provinces à la plupart des contrées d’Europe. Elle est énorme et vide. Le Canada apparaît en formation, in actu, sorte de pays de réserve ou d’attente. L’espace exerce encore sa domination par sa présence et ses promesses. Le pays s’humanise avec lenteur. Vois les villes naître, grandir sous le regard, prendre une physionomie : la campagne se dessiner, se préciser parmi les horizons qui gardent la sauvagerie primitive ; des centres où l’homme est apparu depuis longtemps acquérir un caractère fini, presque fignolé.

Un point de notre territoire, à le bien regarder, nous livre le secret de toute notre patrie. Ce village, par exemple, où le calme n’est guère troublé par le touriste, qui est demeuré un lieu de travail et de paix, tu ne le considéreras pas longtemps sans y découvrir un diminutif de notre vie, de nos résistances. La route qui l’encercle, les grands arbres qui marquent le voisinage des eaux, les champs aplanis, les bosquets qui divisent les terres : les maisons basses aux toits inclinés, du type qui nous est familier : les cultures où alternent le foin, la prairie, le grain et le potager ; les hommes eux-mêmes, noueux, trapus, liés à la dure tâche du sol ; les femmes inlassables, chargées de famille, vouées aux soins immédiats de la ferme : le curé, dont la silhouette allègre ponctue la route ; le mar-