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PRÉSENCES

intérieurs des soulèvements, des retraits, des effondrements, qui l’ont déterminé. J’y réussissais à moitié, même pas. Je ne possédais pas le faisceau de connaissances qui permet d’analyser un paysage. Je distinguais bien des crêtes, plus ou moins vives selon leur âge, des terrasses dont le nombre m’étonnait, des courants dans les eaux, que je classais parmi les mouvements neufs, inapaisés, violents, à côté des rivières lentes, assagies, aux méandres paresseux. Ainsi j’imaginais des motifs au repos apparent de la nature, et j’y apportais la fantaisie naïve d’un néophyte ; mais, malgré ma volonté, malgré mes yeux sans cesse rivés à l’impénétrable spectacle, je ne retenais guère de la constitution des sols, ni des âges révolus, dans la pierre incomprise.

Je me repliai. Je consentis à ignorer le pourquoi des masses, des étendues, des nappes inquiétantes. pour ne garder qu’elles-mêmes dans leur élan et leur couleur, pour ne plus voir, au delà de la science impossible, que leur diversité et leur captivante grandeur.

Après tout, c’est mon droit. Pourquoi m’excuser de choisir mon chemin ? S’il me plaît de ne saisir que les reflets du monde où nous vivons, et de te les proposer, libre à moi : et libre à toi de les considérer ou de les négliger. Et si j’étais seul à contempler un tableau que j’estime fécond et négligé pourtant du grand nombre, où serait le mal ? L’ombre que je n’aurais pas dissipée régnerait quand même sur les choses et dans l’esprit. En somme, je voudrais revenir à la « géographie cordiale », recommencer pour toi l’expérience que j’ai faite déjà de bâtir un Canada à l’aide des visions que j’en ai prises, le front contre