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ALLER ET RETOUR

Les populations font la pêche et le chantier, chargent les navires, cultivent peu, sauf si elles y sont contraintes, bien que, de leur propre aveu, la culture les sauve. Les Monts Notre-Dame poursuivent leur arête bleue, splendides en plein soleil. Quelles richesses recèlent-ils ? Quand se décidera-t-on à le savoir ? Quand donnera-t-on à Gaspé la vie, c’est-à-dire le transport ? On y vient, par la route. Il faut plus : le transport terrestre et le transport maritime. Quelle occasion d’adapter l’américanisme devant pareille tâche.

Deux heures de l’après-midi. Jamais je n’ai vu spectacle plus grandiose. Me recueillant pour le définir, je sens bien que je n’y arriverai pas. La rive nord s’esquisse, adoucie par une légère transparence qui blanchit l’horizon. Les courbes des Laurentides sont douces et souples. Quelques pans se détachent qui marquent un amphithéâtre à peine distinct. Le golfe n’est plus qu’un million de vagues gracieuses. Tous les verts, jusqu’au centre bleu. La rive sud, beaucoup plus près, se dessine magnifiquement. Nous passons Matane, pays plus ancien où la culture découpe des étendues blondes, sans vie apparente à cette aurore du printemps, encore automnales et comme ensommeillées. Plus haut que les champs, la forêt dont les lambeaux divisent les prés roux. Plus loin encore, espacées, des montagnes aux lignes disciplinées. Plus loin toujours, un pic neigeux que prolonge la pureté du ciel.

Le bateau est au centre de cette radieuse beauté. Il laisse après lui une traînée rutilante, bordée d’écume. Les mouettes entêtées encerclent de leur vol lumineux le point vif de l’Union Jack. Elles oscillent par centaines dans l’air et se suivent, les ailes droites, à peine agitées. Les plus