Page:Montpetit - Souvenirs tome III, 1955.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
VERS L’OUEST

C’est un grand entonnoir, ouvert latéralement, creusé à sa base et laissant passer une trouée de neige salie, largement distribuée. Les bords sont comme suspendus : masses verticales de pierre, grises ou noirâtres. La crête argentée laisse voir un coin du ciel dans une échancrure : il gardera longtemps la lumière et sera le dernier à s’éteindre. Ce trait de jour qui va disparaître est ma plus forte impression.

Le lac lui-même est vert et changeant. Grisâtre, ce soir, vers la droite. Il s’éteint peu à peu par la base dans le soir qui monte.

J’écris dans la salle de danse aux teintes bleues que domine un portrait de la princesse Louise. Un Japonais met le phono en marche, gravement, minutieusement. Une Américaine menue semble écouter. Tout cela est bien cosmopolite.

Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime.


disait Lamartine. Heureusement !

Nous quittons le Lac Louise, le soir, dans l’éclat du soleil couchant. Les monts dressent au loin la silhouette d’une ville que l’on dirait fortifiée : tours multiples, mâchicoulis illuminés de neige, amas de pierre étalés dans le ciel. Tout se colore en rose. Puis la nuit gagne que les pics illuminent encore. Je regarde une dernière fois ce spectacle que sans doute je ne reverrai pas. Le Mont Temple resplendit, son manteau de neige sur l’épaule. Là-haut, dans la lumière pâle, sur un ciel profondément bleu, le Mont Cathédral dessine un fantastique Montmartre.

***

Nous retrouvons la plaine ornée ici et là de boqueteaux : elle nous accompagne de son dérou-