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VERS L’OUEST

encore, inépuisable et lointaine, les élève vers le ciel dans un élan dont notre regard absorbe d’un trait la majestueuse image. Je cherche si ces arêtes suspendues, ces cintres aux courbes rompues comme si une clé de voûte se fût effondrée, se rattachent à l’arc ébauché qui les attend dans l’espace. Je pense à la géologie, à des mots savants cueillis dans les livres. Et naturellement tout m’échappe.

Qu’importent ces velléités si l’imagination se nourrit ici à cœur joie de la puissance de ces dômes, de l’horreur de ces sommets brisés, effrités, disloqués ; si le rêve peuple les monts de mille images : châteaux, ogives, créneaux, cathédrales et y agite le frisson d’un éventail de pierre.

Ce spectacle ne nous avait pas été donné dès l’abord. Nous étions arrivés à Banff sous la pluie. Vive avait été notre déconvenue car la vision que nous attendions s’était dérobée sous les nuages qui voilaient les parois boisées un instant apparues. Parfois un sommet se dessinait auquel nous prêtions un nom aussitôt oublié. Ce joyau qu’on nous avait promis nous serait-il refusé ? Nous assistons au combat de l’ombre et de la lumière. Le soleil triomphe en fin du jour et dore les cimes du splendide cirque sur lequel flottent des nuages attardés. Le soir, l’ouest s’éteint sous un sursaut de pourpre. Dans la nuit qui monte, des sommets se précisent en relief, jonchés de filets d’argent que la rivière emporte loin dans la nuit.

Du haut du mont Tunnel, l’hôtel s’incruste dans le décor, réplique d’un pan crénelé de neige, sous un toit dont le dessin évoque une suite de tentes indiennes.

Il nous reçoit largement dans ses murs gris bleu bordés de pierre blanche du Manitoba. L’intérieur, même s’il garde le caractère convenu d’un