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SOUVENIRS

lourd de quatre millions de tonnes, contenant plus de quatre cent millions de fossiles, il fait partie du village : spectacle de chaque minute. Pas un premier regard qui ne soit pour lui. Il porte toutes les teintes du rouge, du vert, de l’orangé, du gris. C’est une masse changeante dont les irrégularités s’accentuent sous le soleil, criblée d’arêtes, striée de cristallisations aux trois couleurs. Il se déplace, il serpente. De Bonaventure, il touche à la côte : d’ailleurs, il s’en détache et semble, de loin, un rocher d’aquarium. Du Mont Sainte-Anne, il est classique. Du Mont-Blanc, il s’engage dans la gueule de mammouth que forment le Cap Canon et le Mont-Joli. Des Trois Sœurs, il pique sur Barachois. Des Falaises, il s’aligne. De Barachois, il ne montre qu’une pointe. Du Mont-Joli, il nous touche, formidable au-dessus de la croix plantée sur le tertre. Le soir, « il saigne de tout son cœur de pierre » ; et son silence est effrayant, la nuit.

Qu’est-ce ? Tous répondent : un bateau : et, quand on a dit ça, on n’en sort plus : un « vaisseau fantôme », un « navire torpillé », une « épave puissante », un « ocean liner. »