Page:Montpetit - Souvenirs tome II, 1949.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
SOUVENIRS

dangereux, ne lui laissait-il pas de doutes sur notre avenir ? J’avais écrit, à propos d’une conférence d’Anatole Le Braz : « Nous sommes une province de France, la plus éloignée, la moins connue, la plus oubliée, mais une province de France quand même. » — « Pensez-vous vraiment, me répondait-il dans un article qu’il signait de son nom et où il paraît avoir exprimé toute sa théorie, sous ce titre : Une âme qui se meurt : — pensez-vous vraiment que nos qualités de race se soient à ce point conservées ? N’avons-nous pas subi toutes les conséquences de la rupture et, dans l’éloignement forcé où nous jeta une défaite, ne sommes-nous pas des exilés ? Physiquement, nous survivons ; mais notre âme qui fait notre vie ne s’est-elle pas épuisée dans la lutte où les circonstances l’ont jetée ? S’est-elle affinée au contact de l’individualisme nouveau ? A-t-elle su créer autre chose qu’une longue résistance, miraculeuse mais incomplète tant qu’elle ne se transforme pas en une affirmation durable, organisée, constructive. »

Seul, le désir de voir notre groupe conquérir la supériorité poussait Joseph Baril à ce doute. Il pensait secouer nos énergies et nous