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SOUVENIRS

de la Faculté des lettres, barbe en pointe, maigre, la figure fatiguée autant que la serviette qu’il appuie à sa hanche ; l’étudiant en médecine ou en droit, l’allure moins sérieuse et le rire plus facile, s’amusant follement d’un rien, débordant d’esprit et heureux quand, avec des copains, il s’installe autour d’une table de café pour discuter sur les questions du jour en fumant des cigarettes et émettre les plus monstrueux paradoxes.

Le soir, le Quartier bouge. Le boulevard Saint-Michel s’allume. Les brasseries regorgent. C’est l’heure du café, du billard et des femmes. Mimi Pinson a dégénéré un peu. Elle n’est plus selon le cœur de Murger. La bohème s’en est allée ; les arrivistes pullulent. La pâleur est toujours là, mais elle n’a plus la même cause. Comme ailleurs, l’individualisme a tout changé. La vie a tué la bohème, qui se moquait de la vie. Mimi n’a plus toujours l’allure, ni le sourire. Elle est encore gaie, tendre, souvent fidèle, et rosse parfois. Elle a de bons moments, et c’est sur ceux-là qu’on la juge : ils sont ce qui lui reste du passé.