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SOUVENIRS

en vain le savon ; le manque d’eau courante, fréquent encore à cette époque dans Paris, nous impose ses servitudes ; nous hésitons un peu à nous blottir sous la masse effrayante des édredons. Des riens, on le voit, des choses idiotes, mais qui déroutent et provoquent en nous d’amusantes réactions.

Il y a la langue aussi, et l’accent. On nous comprend fort bien, les mots que nous employons sont tous des mots français, mais ils ne sont pas toujours justes dans le temps — je veux dire qu’ils sont parfois un peu vieillis ou déviés ; — et lorsque nous demandons des broquettes, par exemple, ou que nous parlons de la nécessité de peinturer, nos interlocuteurs ouvrent des yeux qui nous forcent à trouver au plus vite le synonyme qui convient.

Nous voilà plongés dans un milieu exclusivement français ; nous sommes en France et non plus loin de France, nous vivons la vie que nous avons connue à travers les livres, nous lisons la revue et le journal le jour où ils paraissent et non plus vieux de dix ou quinze jours ; tout cela est grisant et fort