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LE DORÉ

points de ressemblance avec leurs congénères d’Europe et d’Asie — et le cynoperca dont le sauger ou S. canadense est la sous-espèce la plus commune dans le bassin du fleuve Saint-Laurent. Pour plus grande clarté, je nommerai le premier grand doré et le second, petit doré. Pour l’Europe, le grand doré correspond à peu près au zandre, zander, zant ou sander de l’Allemagne, au saudel d’Autriche, au sandre ou sandat de France, au saudart du Danemark, au sudac de Russie, au sendacy de Pologne, au sublo de Hongrie, pendant que le petit doré représente assez bien le berschick ou setret du sud de la Russie, qui foisonne dans les eaux du Dniester, du Volga et autres fleuves du centre de l’Europe, au point qu’il s’en exporte annuellement de 70 à 80 millions de livres, frais, salé ou fumé, et pas moins de deux à trois millions de livres de leurs œufs salés. Pour éviter toute confusion, comparez les figures.

Suivant Pallas, le berschick est si commun dans la mer Caspienne et dans la mer d’Azof, que le bas peuple même prend le poisson en dégoût. Geosgii rapporte qu’on en extrait de l’huile qui, à Astrakan, est employée par les teinturiers en coton.

Ces deux espèces de dorés vivent assez bien ensemble, mais le domaine du grand doré est beaucoup plus étendu. En été, ils recherchent les eaux claires et profondes, remontent les cours d’eau, et s’arrêtent volontiers au pied de forts rapides — dans des remous — se tapissent sous des corps d’arbres entassés, sous de gros cailloux. Ils ne brillent pas par leur vaillance ; on verra fuir les plus gros devant un brochet, un achigan de moyenne taille, et même devant une perche d’une livre. À l’automne, avant les premières glaces, lorsque les eaux refroidies diminuent la vigueur et la vélocité de ses ennemis, il remonte des profondeurs sur des plateaux plus élevés, recouverts de dix à huit pieds d’eau, se rapprochant même des rives bordées d’herbes jaunies où se tient la perchaude, vivant là de blanchailles, grenouilles, écrevisses, de toute chair vivante charriée par le courant ou tombant du ciel. Il n’est pas particulier sur le choix des mets, pourvu qu’ils soient bien frais. Il viendra doucement flairer l’esche, une ablette, une tranche de carpe ou de chevesne ; il tournera autour, y reviendra, et l’attaquera enfin, si d’aventure un autre poisson arrive dans ses eaux. Piqué, il emporte la ligne d’un trait : il résiste assez vigoureusement, quoique avec moins de force que l’achigan. S’il échappe, soyez sûr que vous ne le repincerez pas, mais si vous en capturez un, attendez-vous à l’attaque d’un autre, car ils vivent presque toujours deux à deux, sinon en nombreuse compagnie. Quand la surface des eaux est gelée solidement, vers la fin de décembre, ils se rassemblent sur des fonds de sable uni, nettoyés de toute obstruction, à une profondeur d’eau variant de quatre à dix pieds, où ils passent le reste de l’hiver, qu’ils ne quittent qu’après y avoir déposé leurs œufs, en février ou