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DES POISSONS

sud du bassin du fleuve Saint-Laurent, dans plus de cent lacs et rivières divers, et les avoir observées avec soin ; mais, en définitive, nous croyons que les différences existant entre elles sont plutôt apparentes que réelles. Quant aux perches d’Europe, d’après deux échantillons empaillés, et un grand nombre de gravures que nous avons pu étudier à loisir, nous pouvons affirmer, à la suite de Gunther, Steindachner et Day, que nous trouvons des sujets absolument identiques aux États-Unis et au Canada. N’a-t-on pas contesté également l’identité du salmo salar, du maquereau, du hareng, qui fréquentent les rives américaines et européennes de l’Atlantique ? Les opinions se réconcilient à l’unité d’espèce d’un bon nombre de poissons d’eau douce et saumâtre des deux continents, comme le brochet, l’anguille, la truite, le silure, le sandre. Il y a quinze ans à peine, les savants comptaient quarante-trois variétés de saumons en Amérique, et autant de variétés de truites dans le monde entier. De ces deux espèces distinctes de salmonidés, savez-vous ce qu’il reste sous l’étamine ? Treize variétés de saumons, d’un côté, douze variétés de truites, de l’autre côté.

Connaissant désormais la superficie du domaine de la perchaude, nous allons passer à sa généalogie, remonter aux sources de son histoire dont certains documents très antiques sont conservés dans les carrières d’Œningen, ce qui lui prête une noblesse bien antérieure à celle des croisades, dont tant de gens font pourtant grand cas.

On la retrouve à l’état fossile, parfaitement conservée en pierre, ce qui fait dater son existence d’avant le déluge, ce qui la rend contemporaine des ganoïdes dont il reste trois représentants dans les eaux du Canada : l’esturgeon, le poisson armé (lepisosteus osseus), et le poisson castor (amia calva). Pour comble d’honneur, en sa qualité de fossile, elle se trouve avoir sa statue toute faite, en pierre ou en marbre, d’après nature, ce qui la met sur un pied d’égalité avec nos grands hommes du temps passé, qui peuplent nos forums et nos places publiques, pour stimuler la vertu des vivants par leur exemple.

Le fait que le nom de la perche a presque la même consonnance dans toutes les langues des nations civilisées prouve, en outre, son existence préhistorique ; ce qui ne l’empêche pas d’être encore jeune, vive, alerte, de se prêter complaisamment aux plaisirs des femmes et des enfants. C’est le poisson des pique-niques, par excellence.