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LA CARPE

« Les œufs sont vénéneux, dit-on ; mais ce fait demande confirmation.

« La brême se pêche aux mêmes lieux que la carpe, dont elle partage les goûts et les habitudes.

« Ce poisson se réunit en troupes, commandées par un chef auquel on donne le nom de roi des brêmes. Rien de plus gracieux que de voir les évolutions de ce bataillon d’un nouveau genre, entre deux eaux, dans un endroit profond et tranquille, par un beau soleil d’été. La lumière joue sur leurs écailles, et les brêmes se promenant lentement autour des touffes d’herbes, ne daignent pas toucher à l’appât que leur tend le pêcheur.

« Elles se nourrissent de vers et d’animalcules à corps mous, en même temps que de substances végétales. »


Isaac Walton prétend qu’en France la brême est plus estimée qu’en Angleterre et il cite le proverbe : Qui a une brême en son étang peut festoyer un ami. Rien de surprenant, puisqu’on parle de brêmes prises dans les lacs d’Écosse qui auraient pesé plus de trente et même quarante livres chaque.


Les îles de Sorel sont le rendez-vous principal de la brême, au Canada, et ici, je soumets à M. Riendeau le portrait qui en a été tracé à la plume, en France, sous le nom de Carpeau de la Saône :


« Poisson conformé comme la carpe, quant aux écailles, à la bouche, aux appendices, aux nageoires, à la forme de la queue, etc., il en diffère par un aplatissement remarquable, à l’abdomen. »

C’est bien le poisson qui m’a été montré !

« On présume que le carpeau n’est qu’une carpe mâle, sujette à une espèce d’avortement naturel de ses organes caractéristiques, provoqué par la nature des eaux où il vit. La cause de ce phénomène est encore inexpliquée, mais jamais les carpeaux ne présentent ni lait ni œufs. Les organes qui doivent renfermer ces matières manquent complètement ; il en est de même du canal afférant leurs produits au dehors.

« Ce poisson serait donc une variété accidentelle du genre carpe spéciale au Rhône et surtout à la Saône où elle semble prendre naissance. »

Mais comment, de si loin, retrouverait-on ce poisson disparate, (en France) dans les eaux du lac Saint-Pierre (au Canada) ?

Qui nous dit que ces mulets de la famille des carpes (en France), ne peuvent pas être produits également par la famille des catastômes du Canada ?

C’est une étude à faire ! Une de plus, une de moins n’y fait pas grand’-chose. En fait d’histoire naturelle notre ignorance a de la marge !