Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/538

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
508
LES POISSONS

Originaire de l’Asie, la carpe commune peuple la plupart des rivières, des lacs de l’ancien continent ; elle vit dans les eaux tranquilles où elle atteint jusqu’à 3 pieds et 8 pouces de long ; elle s’élève facilement dans les rivières et les étangs, et sa chair est généralement de bon goût.

Il existe en France d’autres variétés de carpes — comme la carpe à cuir — qui est entièrement privée d’écailles, la carpe à miroir, remarquable par deux rangées de grandes écailles, distribuées régulièrement sur les côtés et sur le dos ; ces écailles très grandes sont striées et comme rayonnées, couleur jaune bordée de brun ; la carpe carassin a été importée en Amérique depuis une trentaine d’années, avec plusieurs autres espèces, comme la c. acumiatus, la c. hungaricus, la c. regina, la c. nordmanni, la c. gubilio, la c. basefacus, qui toutes ont admirablement prospéré dans les eaux des États-Unis de l’Amérique du Nord. Nous devrions suivre l’exemple de nos voisins.

La carpe se trouverait on ne peut mieux dans les eaux pures et profondes du Saint-Laurent et de ses tributaires. Que de lacs stériles ou peuplés de poisson de rebut pourraient être fertilisés avec profit, en y apportant du frai ou des alevins de carpe ! Ce poisson robuste se fait à toutes les eaux, aux eaux vaseuses, marécageuses même. Oh ! par exemple, il va sans dire que la chair se ressent du milieu où a vécu l’animal, mais pour qu’il perde le goût de vase, il suffit de le faire dégorger pendant huit jours, dans une eau vive, et il sort de ce bain généreux avec chair blanche et de bon goût.

Les fermiers d’Ontario un peu à l’aise cultivent, chacun d’eux, sur leur propriété, dans des lacs, des étangs formés par le barrage d’un ruisseau, et même dans des bassins de dix à douze pieds carrés, de cinq à six pieds de profondeur, une carpe dite carpe allemande, d’une croissance très rapide. Elle atteint en deux ans le poids de deux à quatre livres, et figure pour une valeur importante dans l’alimentation de la famille.

Nos habitants québecquois, les catholiques surtout, qui comptent dans l’année plus de cent jours maigres d’obligation, auraient tout à gagner par l’élevage de ce poisson, qu’on dit fort bon à manger et qui ne coûte rien ou presque rien à produire. L’élan devrait partir de nos établissements de pisciculture.

Le moxostôme doré du Canada n’a pas de barbillons, il a le dos moins arqué que la carpe, la bouche plus petite, en suçoir, et fortement caronculée ; mais il atteint la même taille que sa cousine d’Europe. Nous en avons fréquemment capturé, du poids de huit a dix livres, et de plus de trois pieds de longueur. Nous ne saurions dire s’il arrive à une égale longévité, ni s’il est susceptible de s’apprivoiser comme les carpes de France.