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DES POISSONS


LA VOIX DES POISSONS


Le proverbe qui dit « muet comme un poisson » n’est peut-être pas aussi vrai qu’on le pense. Sans qu’il soit besoin de recourir à la fable avec ses sirènes, il est assez facile d’établir que certains poissons produisent des sons distincts, et quelquefois forts et prolongés. Peut-on considérer ces sons comme étant ceux d’une voix ? Évidemment non ; car, chez les poissons, l’air est avalé en même temps que l’eau où il est dissous ; cet air passe entre les lames des branchies et est expulsé par le mouvement spasmodique de celles-ci, en même temps que l’eau. La respiration se fait par déglutition et non par aspiration ; il n’existe donc pas de larynx chez ces animaux, par conséquent, point de voix.

Le bruit plus ou moins remarquable que quelques-uns font entendre tient sans doute à des mucosités placées soit dans les ouïes, soit dans la bouche, soit au gonflement et au dégonflement de la vessie natatoire… on ne sait rien de bien fixe à cet égard, pas même si l’émission du bruit est réelle pour tous les poissons auxquels on l’attribue.

Cuvier et Valenciennes ont observé que des cyprins produisaient un son guttural très prononcé, dans les baquets où on les mettait après la pêche. Ces poissons produisent ce son dans l’eau, remarquent les célèbres naturalistes, et, dans ce cas, aucune bulle d’air ne s’échappe ni de leur ouïe ni de leur bouche. Ils avouent ne pas connaître le moyen que l’animal emploie pour produire ce bruit, et le rapprochent de celui des trigles, des cottes, etc.

La sardine crie comme la souris, en mourant ; le hareng pousse un gémissement que les Anglais appellent squeak.

Les loches d’étang font toutes entendre un bruit distinct quand on les prend. Les Allemands les ont appelées, de ce fait, pfeister, de pfeifer, qui veut dire siffleur.

Le bruit sourd que le maigre (poisson de mer ressemblant au bars) produit sous l’eau, ainsi que l’assurent aujourd’hui beaucoup de pêcheurs, et que Alain, docteur en médecine, compare au mugissement des taureaux, épouvante vraisemblablement les autres poissons. C’est de là qu’il a reçu le surnom de roi des sardines, sur quelques points de la côte occidentale de France. Telle était en effet l’opinion des pêcheurs dans des temps d’ignorance, qu’ils croyaient que les mugissements de ce poisson exprimaient ses ordres qu’au premier signal ses sujets s’éloignaient de lui,