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DES POISSONS

baisse, que les cours d’eau commencent à se couvrir chaque matin d’une légère vapeur, les poissons descendent petit à petit dans des couches plus profondes, jusqu’à ce que, l’hiver venu, les glaces étant prises, ils se tiennent au fond, les uns immobiles sur la vase, sous des crônes, les autres rasant lentement le lit de la rivière en quête d’une proie de plus en plus rare.

La perche, le doré, la truite commune, la truite grise rôdent durant tout l’hiver : on les prend avec des minnuces ou des vers rouges bien en vie.

Certaines variétés d’ablettes se montrent excessivement sensibles à l’abaissement de la température : elles disparaissent comme par enchantement, vers le milieu de septembre, pour reparaître soudainement, au mois de juin suivant, avec une affluence telle qu’on croirait à une invasion. Dès qu’elles se remontrent au soleil, la surface de certains lacs apparaît comme argentée : truites, achigans, dorés, brochets et maskinongés de faire ripaille de cette masse vivante inoffensive. En quelques minutes, ils sont repus, gorgés, et vont faire leur sieste, tapis sous des cailloux, des troncs d’arbres, des herbes touffues. Après la digestion revient l’appétit, et avec l’appétit le festin recommence, pour durer des semaines et des mois. Ces gourmands sont alors gras à fendre avec l’ongle, mais ils dédaignent vos amorces et vos appâts, ils échappent aux tentations des plus habiles pêcheurs.

Le brochet chasse tard, à l’automne, à travers les algues, les fucus où se réfugient les perchaudes et les crapets, en quête d’écrevisses ou de larves collées aux cailloux du rivage.

Il est un proverbe canadien qui veut « que la première gelée casse la gueule au bars ; » cependant on le capture, en hiver, au filet, sous les glaces du lac Saint-Pierre. C’est ainsi que se prend l’achigan au fond de fosses profondes, dans les grands lacs du bassin de l’Ottawa.

Le chevesne, l’ide, faussement appelé le mulet, persiste, durant tout l’hiver, à chercher sa nourriture sur les fonds unis du sable, à une profondeur de 25 à 30 pieds. On le prend alors en amorçant avec de la pâte mêlée de laine teinte en rouge.

On sait que l’anguille s’engourdit dès les premiers froids, et qu’elle se laisse choir dans des trous vaseux où elle passe l’hiver sans bouger, pelotonnée en paquets de cinq à dix pièces ; que l’esturgeon se réunit par troupes sur des fonds de vase et qu’il s’y nourrit des mucosités que sécrètent leurs corps.

Les saumons (ils sont en petit nombre) qui hivernent dans nos rivières, conservent presque toute leur vivacité après le temps du frai, mais ils ne mordent à aucune esche : d’aucuns prétendent même, pour avoir trouvé leur estomac toujours vide, qu’ils y vivent sans manger.

Pendant longtemps, on a cru que les harengs se plongeaient dans les profondeurs ou gagnaient vers les mers du nord, aux approches de