Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
DES POISSONS

crapaud de mer, qui prend la teinte grise, brune, tachetée, bleuâtre ou verdâtre, suivant le fond qu’il habite : les mêmes effets de coloration se manifestent chez les étoiles de mer, les oursins et autres crustacés de ce genre.

Outre la truite commune, nous avons remarqué dans nos eaux douces, le sandre, la perche, plusieurs variétés de cyprins et surtout de l’achigan dont les couleurs sont empruntées aux milieux où ils vivent et aux effets de lumière et d’ombre. N’y a-t-il pas des dorés gris, verdâtres, tachetés (les charbonniers), mouchetés, à ventre blanc, à ventre jaune ? Et cependant, ils appartiennent tous à la même espèce, qui ne compte que deux variétés. Ce phénomène de mutation de couleurs est particulièrement sensible chez l’achigan, qui passe en un instant du vert au noir et vice versa, suivant qu’il est exposé au soleil ou tapis dans l’ombre : ses couleurs s’effacent comme avec la main ; ils changent également de couleur après la mort : c’est-à-dire que les verts deviennent d’un jaune sale, avec des taches noires persistantes.

D’après ces observations, il paraît évident qu’un grand nombre de poissons possèdent la faculté d’accommoder leurs couleurs à la couleur du lit des eaux dans lesquelles ils vivent. Comment ne pas chercher maintenant la raison de ce fait ?

Ces créatures trouvent, dans la propriété qu’elles ont de s’ajuster à l’aspect de leur habitation, de s’assimiler à la couleur des lieux, une protection contre les attaques de leurs ennemis. Quoique ce phénomène ne soit pas encore expliqué, il se produit sans doute sous l’action de la même cause qui détermine les changements de couleur chez le caméléon, lequel ne peut, dit-on, être découvert quand il rampe sur les feuilles des plantes, parce qu’il est alors d’une nuance semblable à celle de ces feuilles elles-mêmes.

Notre lièvre n’est-il pas blanc comme neige en hiver, et couleur feuille morte en été ? Il en est à peu près ainsi de la belette — et du lagopode ou perdrix blanche, de notre ortolan ou oiseau-blanc, — et de bien d’autres animaux qu’il serait oiseux d’énumérer ici.


ENGOURDISSEMENT DES POISSONS DURANT L’HIVER


Durant la belle saison, surtout vers le soir des jours chauds de l’été un grand nombre de poissons d’eau douce viennent à la surface, soit pour happer la manne tombant du ciel comme des flocons de neige, soit pour fuir un ennemi acharné à leur poursuite ; mais dès que la température