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DES ENGINS DE PÊCHE

sauvage ou l’enfant le plus civilisé est le même : c’est un arc et sa flèche.

L’enfant devenu jeune homme tourne sa flèche devenue plus grande contre les animaux de la forêt : il la tourne de même contre ceux du rivage. La tentation de manger les poissons que l’eau du fleuve grossi aura laissés sur les bords ou dans des dépressions à portée de la main, est naturelle et l’homme a aimé le poisson dès qu’il
Fig. 67. — Bricole primitive de l’âge de bronze, trouvée dans les habitations lacustres du lac de Neufchâtel. Cette première forme est excessivement remarquable.
a pu en prendre. Mais le fleuve ne grossit pas souvent, les réservoirs naturels sont vite épuisés, et cependant ils virent dans les ondes mille poissons se poursuivre, se dévorer, se jeter avidement sur les portions de matières assimilables qui tombaient à l’eau, sur une graine, sur un insecte jouet du vent ou du hasard… La pêche était inventée, et, du même coup, la destruction de l’homme — en tant qu’espèce — était devenue impossible, car la mer lui fournirait seule sa nourriture, si la terre pouvait la lui refuser.

Cacher sous un insecte ou sous une graine, dans un fruit, le crochet qui
Fig. 68. — Deuxième forme de bricole provenant également des habitations lacustres, mais du lac de Zurich. La fabrication est moins simple, il y a progrès ; on s’est aperçu que la hampe de la première (fig. 67) rend l’entrure de fer plus difficile, et que l’engin bascule dans la bouche du poisson.
ramènera le poisson, alors que celui-ci aura englouti le tout, voilà l’hameçon trouvé… y faire un trou, dans lequel on passe un brin d’aloès, de chanvre, de tout autre filament végétal, une tige de liane parasite des tropiques, un crin… et voilà la ligne complète, et telle qu’elle sert depuis la création du monde !…

En étudiant attentivement les curieux vestiges des instruments de pêche des peuplades qui ont habité notre pays et les pays d’Europe, dans des temps antéhistoriques, nous avons en quelque sorte acquis la certitude morale que l’hameçon, tel que nous le connaissons maintenant, n’est assurément pas le premier qui a dû servir. En effet, on a trouvé en même temps que les formes des figures 62, 63, 64, la forme 67 et 68 qui est une véritable bricole, mais si simple, si facile à faire et en même temps si efficace, qu’il est
Fig. 69. — Pierres perforés pour charger les filets.
impossible qu’elle n’ait pas été préférée, dès l’abord, par des peuples grossiers.

Cette forme, en effet, rend l’attache de l’hameçon à la ligne incomparablement plus facile et plus solide. À cette période où le dard n’était pas encore inventé comme dans la forme 63 et 64, celle-ci offrait en même temps une beaucoup plus grande sécurité que le poisson piqué ne se débarrasserait point.