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LES POISSONS

des engins de pêche, tous les autres poissons sportifs devraient susciter une révolution contre sa royauté et la griller sans miséricorde.

Autrefois, les progrès dans les engins de pêche se faisaient graduellement. Il a fallu des années pour passer de la ligne de fond à la pêche à la turlotte ou trolling, d’après les Anglais : ensuite est venu le moulinet, suivi lentement de la pêche au lancer, qui ne tarda pas à devenir la pêche à la mouche naturelle. C’est en 1724 qu’il est fait mention pour la première fois du fil de soie de Florence ; mais presque aussitôt, c’est-à-dire deux ans après, la pêche au saumon prit naissance en Angleterre. La mouche artificielle y fut introduite en 1746. C’était le retour d’un art disparu.

L’ichtyologie primitive ne comprenait guère plus que la connaissance superficielle des mœurs et des habitudes de quelques poissons, ainsi que leurs caractéristiques générales. Le saumon et la truite occupaient un rang remarquable parmi ceux qui attirèrent d’abord l’attention, car la famille des salmonidés compte parmi les plus anciennes des poissons d’eau douce post tertiaires, remontant de longue date avant l’époque glaciaire ; et parmi ses cent variétés, le saumon a conservé de tout temps sa suprématie comme chef. Les évolutions opérées par le temps ne paraissent pas l’avoir rendu plus brave ou plus beau ou plus mangeable qu’il n’était aux jours de Pline ou d’Oppien, qui tous deux ont apprécié ses qualités et fait son éloge, au deuxième siècle, aussi bien que d’autres dans les âges qui les avaient précédés. Sa distribution géographique est encore plus considérable que sa renommée. L’ancien salmo salar de l’Atlantique a rencontré un rival dangereux dans l’oncorynchus de l’océan Pacifique ; les appétits de l’homme ont augmenté, et les engins de pêche se sont multipliés. La pêche, qui n’était qu’un métier souvent ingrat, est devenue un art offert à l’avidité, à la convoitise, qui finit par enfanter le million.

Pour le moment nous ne parlerons que des engins destinés aux poissons sportifs et carnassiers, nous réservant de préparer bientôt les instruments de torture et la pâture destinés aux cyprins et à la gent goujonnière.