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DES ENGINS DE PÊCHE

DES ENGINS DE PÊCHE



En écrivant mes dernières pages sur la truite de mer, poisson favori du ciel, il m’est arrivé, chose inévitable, de parler d’hameçons, en les désignant par leurs numéros, ce qui doit être incompréhensible pour les profanes, autant que l’est une langue pour ceux qui ne l’ont jamais apprise. Si j’ai pris occasion de la truite pour parler d’engins de pêche, c’est parce qu’elle représente les salmonidés, c’est-à-dire le plus beau genre de poissons qui habite nos eaux septentrionales, et parce que dans nos régions elle est à la fois la reine des eaux douces et des eaux salées. Je sais bien que le doré, le bars et l’achigan sont des poissons sportifs remarquables à plus d’un titre, mais sont-ils comparables au saumon et à la truite ? Par les espèces et les variétés ils sont déjà inférieurs, puisque nous comptons plus de cent variétés de truites et de saumons, pendant que le doré et l’achigan ne comptent chacun que deux variétés. Les Américains se vantent à pleine bouche de leur bars, de leur achigan, de leur blue-fish, de leur tarpan, mais ils ont beau se vanter des exploits que leur valent ces poissons valeureux, n’empêche que leurs pêcheurs ardents, piqués de l’hameçon sacré, ne se laissent surprendre, comme Barnwell, par la truite saumonée de la rivière Laval, qui, comme Charles Hallock, par le saumon de la Godbout, qui, comme Eugène McCarthy, par le huananiche du lac Saint-Jean, tous des salmonidés, des rois et des reines de nos lacs et de nos fleuves à qui ces pêcheurs endurcis s’empressent de rendre hommage. Ce sont ceux-là mêmes qui ont inspiré les premiers la fabrication des engins en question, pour leur malheur et pour nos triomphes, pendant que nous leur en faisons une gloire. C’est à cause de leur beauté que nous les avons autant recherchés, que nous avons inventé ces instruments de ruine et de destruction. C’est ainsi que nous couvrons d’ornements, de bijoux, de dentelles les femmes dont les charmes nous ont fait inventer ces terribles articles de séduction.

Si la truite est vraiment responsable des funestes progrès qu’ont produits les vingt dernières années dans la gradation du perfectionnement