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LA TRUITE COMMUNE

à remarquer, la truite habite presque toujours les lacs qui ont un écoulement visible et rarement ceux qui s’écoulent sous terre. On ne sait vraiment comment sont venues les truites qui habitent certains lacs séparés de la plaine par des chutes d’eau absolument infranchissables.

Pour les lacs d’Obersee et d’Olegisee situés à 1,400 mètres d’altitude, pour celui d’Engstlensee situé à 1,800 mètres et pour quelques autres encore, nous savons que la truite a été introduite par l’homme. La truite est à la vérité un poisson robuste, qui peut remonter de rapides courants et sauter à une grande hauteur ; mais il existe cependant quantité de lacs où il est de toute impossibilité que, dans les conditions actuelles, les truites aient pu remonter de la plaine. Les grandes chaleurs peuvent incommoder la truite : aussi la voit-on souvent en été quitter les eaux échauffées pour remonter vers des eaux plus froides. Cela est tel que, dans la péninsule ibérique, la truite se trouve dans la Sierra-Nevada, à 3,000 mètres au-dessus de la mer.


« Malgré de nombreuses observations, écrit Techudi, le genre de vie des truites n’est pas encore complètement connu ; on ne sait pas d’une manière certaine pourquoi et jusqu’où elles vont des lacs dans les cours d’eau. Les truites semblent redouter les eaux troubles des glaciers, tandis qu’elles recherchent l’eau froide des sources. En Suisse, sitôt que la neige et la glace commencent à fondre et que les torrents deviennent troubles, elles abandonnent ces eaux et nagent en troupes vers d’autres eaux, descendant un cours d’eau dans certains points, le remontant en d’autres. Elles se trouvent, par exemple, dans le lac de Genève, arrivant des rivières collatérales du Rhône, y passent l’été, remontent le Rhône en automne et fraient dans les cours d’eau qui se déversent dans le fleuve. D’autres observations contredisent absolument celles que nous venons de rapporter ; de nombreuses truites vivent dans les lacs alpestres alimentés seulement par des eaux venues des glaciers, et on en trouve dans des torrents qui sont presque exclusivement alimentés par de l’eau provenant de la fonte des neiges et des glaces. »


Jurine a remarqué que les truites du lac Léman descendent le Rhône à Genève et le remontent au Bouveret.

La truite, douée d’une grande puissance musculaire, peut nager contre la direction des eaux les plus rapides avec une étonnante vitesse ; c’est surtout la nuit que ce poisson se déplace, ou tout au moins à la tombée du jour ; il se cache volontiers sous les pierres et les rochers qui surplombent le long de la berge ou dans des trous de fosses plus ou moins profondes. Lorsque tout est tranquille autour d’elle, la truite quitte sa retraite, se tient la tête au courant, à la même place parfois longtemps, agitant dou-