Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
333
LA TRUITE COMMUNE

LA TRUITE COMMUNE



Ce poisson que nous appelons simplement truite commune, est tour à tour désigné sous les noms de truite mouchetée, truite de ruisseau, brook-trout, salmo fontinalis, truite de bruyère et truite américaine. Il n’en reste pas moins toujours le même, soit qu’il pèse une once ou de trois à quatre livres, soit qu’il porte une robe vert bronzé, brun sombre, jaune violet, bleu d’acier, pointillée de rouge, de bleu, de vert ou de toute autre nuance qui dépend de sa nourriture et quelquefois de son habitat. Quant à la forme, ce que nous avons dit des salmonidés en général s’applique également à la truite commune. Elle n’est belle que par ses couleurs vives et sa peau vernissée. Sa hardiesse, sa vaillance la font rechercher par les pêcheurs à la ligne, de préférence à des proies autrement profitables. À Québec, lorsqu’on vous propose une partie de pêche, il est entendu qu’il s’agit d’une pêche à la truite dans les lacs des comtés de Québec, Portneuf ou Montmorency. L’achigan du lac Saint-Joseph, quoique assez abondant, ne compte pas ; du bars de Montmagny, il n’en est pas question.

Dans les districts de Montréal et d’Ottawa nous avons le brochet, le doré, le maskinongé, l’achigan, la laquaîche : Québec n’a que la truite, et il s’en contente ; mais aussi il faut dire qu’elle abonde dans presque tous les lacs des Laurentides distribués dans un rayon de quinze à vingt-cinq milles.

La pêche à la truite est le rêve de l’écolier, le joyeux passe-temps du rentier, une suprême jouissance, un dernier rayon de soleil pour le vieillard, qui retrouve pour un instant son coup d’œil, sa vigueur, sa souplesse, quand ce papillon des eaux bondit hors de son élément, s’accroche à son hameçon. Un frisson magnétique, réminiscence de ses vingt ans, passe alors dans toutes ses veines. L’œil au bout de la ligne qui plonge ou remonte, les mains crispées sur sa perche, le cœur lui bat plus vite, saisi qu’il est d’une indicible émotion. Avec la résistance, il retrouve une recrudescence d’énergie ; des forces inconnues se réveillent en lui ; le sang afflue à ses joues, son regard s’allume ; le voilà debout dans son canot,