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DE LA TRUITE EN GÉNÉRAL

DE LA TRUITE en général



Dans la famille des salmonidés, la truite commune est remarquable par un grand nombre de variétés dont la classification fait le désespoir des savants. Il est des truites qui ressemblent d’une façon étonnante au parr, au saumoneau, à ce point que pour les distinguer il faut un œil exercé, une connaissance exacte de leurs traits caractéristiques. Même couleur, mêmes formes, même allure, mêmes habitudes, même habitat. À cet âge, le jeune saumon a des dents au vomer comme la plupart des truites, il les perdra plus tard, sans retour, tandis qu’elles persisteront chez ses congénères. Il importe pourtant que leurs traits distinctifs soient bien connus du pêcheur et des gardiens de pêche ; car, pris à la seine ou à la ligne, le parr doit être rendu à son élément, pendant que la truite est admise en franchise au carnier du pêcheur. L’examen presse, le poisson souffre, dans une minute il sera trop tard : vous n’avez même pas le temps de compter les rayons de ses nageoires, encore moins celui de le disséquer. Regardez tout simplement à l’œil et à l’opercule. S’il y a des stries autour de l’œil, si l’opercule légèrement bossué s’allonge en arrière, c’est sûrement un saumon. Déposez le alors doucement dans l’eau où il est appelé à devenir roi. Fussiez-vous le plus ardent des républicains, vous le respecterez en votre qualité de pêcheur honnête.

Dans le fleuve Saint-Laurent, la truite de mer ne remonte guère au-dessus du Saguenay ; mais elle abonde dans les eaux du golfe, surtout à l’embouchure des rivières tributaires. À partir du Saguenay jusqu’au lac Ontario, ce poisson n’existe pas. De nombreuses variétés de truites, quelques-unes de très forte taille, peuplent les grands lacs de l’Ouest. Oh ! par exemple, des deux côtés du fleuve Saint-Laurent, dans les ramifications des Alleghanys, au sud, sur la corniche des Laurentides, au nord, se trouvent d’innombrables lacs et cours d’eau où fourmillent la truite de bruyère, la truite d’Amérique, la truite argentée, la truite troire, etc., etc. ; sur lesquelles la truite des lacs ou touladi des Montagnais prélève un sanglant tribut. La plus grande partie de ces lacs et cours d’eau n’ont jamais été pêchés. Ils gardent en réserve d’abondantes provisions pour l’avenir. Dans ces lacs et rivières élevés, parfois isolés, que le saumon n’atteint jamais, la truite, quelle qu’en soit