Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
LES POISSONS

« J’ai conseillé à sir Geo. Stephen, s’il a jamais l’intention de rendre à la Métapédia sa valeur d’autrefois, de la repeupler d’après le principe ci-dessus énoncé ; et je crois qu’il est presque déterminé à le faire. »

Conclusion logique, c’est que, pour repeupler artificiellement une rivière à saumon, il faut prendre du frai de ses propres poissons. Autrement, elle jouera le rôle de la poule et des canards : les petits qu’elle aura crus siens s’en iront ailleurs.

L’hiver est venu, le saumon est enfoui dans un ruisseau de la montagne sous un palais de cristal, dominé par un gigantesque pin parasol, où il protège ses compagnes occupées au creusage de leurs nids. Anguilles, canards, batraciens, martins-pêcheurs, ses ennemis les plus acharnés, sont disparus, il est tranquille ; il en profite pour préparer le berceau de ses petits.

Ici, je laisse parler la Revue des Deux Mondes, dans un article signé par J. Clavé, l’un de ses distingués collaborateurs :

« Habitant la mer, à l’embouchure des fleuves où il se nourrit et se développe le saumon ne pénètre dans des eaux douces que pour y frayer. Lorsque la femelle a trouvé un endroit propice, elle creuse dans le lit du ruisseau un nid de un à deux mètres de longueur sur 0.30 à 0.40 de profondeur, dans lequel elle se couche et pond ses œufs, pendant que le mâle, placé à côté, répand la laite qui les féconde. Elle les recouvre alors de gravier pour les mettre à l’abri de leurs ennemis, et les abandonne à eux-mêmes. »

Empruntons maintenant la plume d’auteurs américains décrivant les mêmes circonstances :

« À l’approche de la saison de l’accouplement, leurs formes gracieuses et leurs couleurs brillantes disparaissent. Ils deviennent maigres et difformes, leurs nageoires s’épaississent, et la peau est visqueuse et tachetée de brun, de vert ou de bleu, de vermillon ou d’écarlate. Ces changements sont plus prononcés chez le mâle, dont les mâchoires recourbées ne se touchent plus que par les extrémités, la mâchoire inférieure se développant en un fort crochet qui devient une arme puissante dans les combats sauvages qu’il lui faut soutenir contre ses rivaux, durant cette saison. Dans cette condition, et lorsqu’ils descendent à la mer, ils sont connus sous le nom de Kelts. »

Les plus pressés arrivent aux sources des rivières deux ou trois mois avant le temps du frai. Dès que l’eau est à la température convenable, de 40 à 50 degrés, ils déposent leurs œufs dans de profonds sillons qu’ils creusent dans le gravier du cours d’eau, ordinairement près d’un rapide.