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LE SALMO SALAR ou SAUMON COMMUN

naissance, — dont ils ont double fois douce souvenance, pour son eau douce, d’abord, pour ses douces affections, après.

Les smolts, alors, sont passés grilses, ou saumons de premier retour.

Ici la métamorphose est telle, que si des observateurs n’avaient pas pris la peine de marquer des smolts avant leur départ, personne ne les eût reconnus à leur retour.


Fig. 55. — LE GRILSE après cinq ans.


MARQUE DES POISSONS


Disons, en passant, le moyen de marque qu’on a. On les saisit au filet d’abord, puis à la main — et ensuite, au moyen de l’emporte-pièce, à deux ou trois coups — on perce, de deux ou trois trous, une de leurs nageoires, l’anale de préférence, qui ne sert à rien, paraît-il. On les lâche là-dessus, aux hasards de la vie aventureuse. Quand ils reviennent et qu’on les reprend, avec un pareil visa, légèrement bourrelé peut-être — pas n’est besoin d’être tant physionomiste pour les reconnaître au premier aspect. Savez-vous, par exemple, que pour peu que l’on soit pêcheur, ou peut-être simplement poète, ceux-là, on les caresse, on les embrasse même ; puis on les glisse tout doucement à l’eau, en leur disant : « Que Dieu vous bénisse ! » On n’a peut-être jamais plus de foi bonne, qu’en ces moments-là !

Ces smolts étaient partis, la queue fourchue, comme des jeunes gens affrontant leur premier bal ; ils reparaissent avec une caudale carrée : on dirait des notaires, tant ils ont l’air respectable. Et puis, ils avaient des bandes marquées sur le corps ; plus rien n’y paraît que la robe argentée du saumon adulte : ils sont partis avec une grosse tête, ils reviennent avec la tête effilée, le corps mince et élancé.

Mais, ce qu’il y a de plus extraordinaire, et qui permet de trouver au plus profond des mers le point d’appui de la thèse, à savoir, que ces