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LE SALMO SALAR ou SAUMON COMMUN


REMARQUES
BARILS.
La Corneille
25
Piastebay
N’a pas été explorée pour la pêche à la mouche
10
Watchichou
A été pêchée par la famille Abbott — Pas de rapport
Nabisippi
Pas explorée à l’intérieur
Aguanus
Pourrait être améliorée en abaissant la deuxième chute, haute de 20 pieds, à moins d’un mille du fleuve
30
Pashashibou
Fond de vase, pas de saumon
Natashquan
Jadis l’une des rivières à saumon les plus productives, mille barils, tombée au troisième rang par la maraude. Bons coups de ligne dans les premiers rapides et au-dessus
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La Natashquan est depuis longtemps renommée parmi les sportsmen d’Europe et d’Amérique, pour l’excellence de sa pêche à la ligne. Pour l’abondance et la qualité du poisson elle est déjà la rivale de la Moisie qu’elle surpasse de beaucoup par le pittoresque du paysage, la nature violente et sauvage de son cours. Des scènes dramatiques du plus saisissant effet se sont passées sur ses rives, au milieu de ses tourbillons.

On nous montre ici le gouffre qui engloutit Walter Macfarlane, l’un des princes du commerce de Montréal. Un peu plus loin rugit le maëlstrom, l’entonnoir du diable, où s’abîma le jeune héritier des Ashtley, une famille ducale d’Angleterre. Ses guides l’avaient prévenu du danger, l’assurant que nul n’avait jamais impunément effleuré les lèvres du gouffre, dont le baiser donnait la mort ; il n’en voulut rien croire. Un seul de ses guides consentit à l’accompagner, pendant que les autres avec ses amis les suivaient de leurs regards navrés. Le canot glisse rapide comme un trait ; il arrive au gouffre qui s’en empare et le fait tournoyer comme une toupie ; il s’enfonce, les deux têtes ne marquant plus qu’une ligne noire au-dessus de l’eau, lorsque soudain, une tête et deux bras levés surgissent du vortex. C’est le guide sauvage, qui se sépare du jeune duc, en présence de la mort inévitable. Mais un coup de feu retentit aussitôt sur la rive et la tête et les bras se rabattent et disparaissent dans le fleuve. Un des amis du jeune pair, imprudent mais brave, venait de punir le lâche.

Il y a six ou sept ans (1890), M. J.-G.-A. Creighton, chez qui l’art de l’écrivain le dispute à l’habileté du pêcheur, faillit périr au même endroit, en capturant un saumon de taille démesurée. Son canot ayant chaviré pendant la lutte, il put avec peine regagner le rivage, pendant que son guide était emporté vers le gouffre pour y disparaître à jamais.

En dépit de ces scènes dramatiques répétées, la Natashquan ne paraît avoir rien perdu de sa fascination sur l’esprit des sportsmen étrangers.