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LES POISSONS

gouverneur général du Canada, qui a vu bien des princes, des princesses, des ducs, des lords, des marquis, des ministres et des millionnaires pêcher dans ses eaux avec des hameçons d’or. Des clubs américains, installés sur ses rives avec un luxe oriental, ont loué des fosses, pour une saison, dans la partie basse de la rivière dont les rives sont concédées et occupées par des propriétaires riverains, à des prix fabuleux. M. Dun, de la maison Dun, Wiman & Co., de New-York, a payé $10,098 pour deux fosses, sur la propriété Woodman et un club de Boston a payé $4,000 pour le loyer du cottage de S. A. R. la princesse Louise d’Angleterre, et des deux fosses contiguës à cette propriété. Un spéculateur, qui a acheté plusieurs fosses, les loue à raison de $50, et parfois de $150 par ligne, et par été.

Après la Cascapédia, on ne peut se défendre de mentionner la Ristigouche qui, pour être moins aristocratique que sa voisine, n’en est pas moins une des plus belles et des plus riches rivières à saumon du monde entier. Je ne saurais mieux lui rendre justice qu’en empruntant à mon ami N. Levasseur l’excellente description suivante :


« Le nom micmac de cette rivière signifie « la rivière qui se partage comme la main », et lui vient du fait qu’à la tête de la marée, elle se partage en cinq grands bras variant d’une longueur de cinquante à soixante milles. Elle forme en partie la frontière entre la province de Québec et celle du Nouveau-Brunswick, et débouche dans la baie des Chaleurs, après un cours de 220 milles, à partir de ses sources, près du lac Témiscouata. Elle est pour ainsi dire la clef de la baie des Chaleurs, le grand marché à saumon de Québec et du Nouveau-Brunswick. L’estuaire de la Ristigouche, à la tête de la baie, a trois milles de largeur et neuf brasses de profondeur. La marée se fait sentir dans la rivière jusqu’à vingt-quatre milles, dont dix-huit sont navigables pour les plus gros navires océaniques. Deux petites villes d’une certaine importance sont bâties sur ses rives, Campbellton et Dalhousie. Rien de plus enchanteur que les bords de la Ristigouche ; la partie la plus remarquable de la rivière est celle où elle franchit la région montagneuse d’où sortent les grandes rivières du Nouveau-Brunswick et celles des États-Unis qui se jettent dans l’Atlantique. Ici on voit l’aigle planer majestueux au-dessus des pics élevés où s’étale son aire, l’ours noir et le chat sauvage dans les grottes et les crevasses des rochers, l’orignal et le caribou fuir au moindre bruit, et le saumon refléter sur ses écailles les rayons du soleil jusque dans les fosses les plus profondes, tellement limpides et transparentes sont les eaux de la rivière. Elle égoutte un bassin de 5,000 milles carrés.

La majeure partie des terres qui bordent la Ristigouche, dans la province de Québec, est concédée, et les droits de pêche y appartiennent