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LES POISSONS

bureau, les marchands derrière leur comptoir, les épiciers dans leurs vitrines, les femmes du monde dans leur salon, les ministres dans leur cabinet, c’est à qui combinerait le mieux ses augets, ses tubes de verre, disposerait le plus favorablement le lit de gravier, prêterait au courant la pente convenable pour assurer à la France des ressources inépuisables. Ces essais coûtèrent des prix étranges, variant, pour ceux qui réussissaient à produire quelques livres de truite, de vingt-cinq à cinquante francs la livre. La part du feu faite, des esprits judicieux surent tirer parti de ces espérances, comparèrent les essais, réunirent les bons résultats et aboutirent à une méthode fructueuse qui leur permit de repeupler plusieurs rivières de France abandonnées par le saumon depuis des âges. La fièvre passa bientôt dans les autres pays, avec des chances de succès plus ou moins heureuses.


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DU SAUMON


Le salmo salar habite l’Atlantique nord et ses eaux tributaires. Personne ne saurait dire jusqu’à quel point il dépasse le cercle arctique, quoique sa présence ait été parfaitement reconnue au nord de la presqu’île Scandinave, en Islande, et de ce côté-ci de l’Océan, au Groënland, dans l’Alaska, jusque dans la baie de Kotzebue. Il fréquente toutes les parties du nord-ouest de l’Europe, et il abonde plus particulièrement dans les Îles Britanniques ; il est plus ou moins nombreux en France, en Belgique, en Hollande, en Prusse ; il pénètre dans la Baltique jusque dans la Russie septentrionale, en Suède et en Norvège.

Vers le sud, le saumon commun ne dépasse pas le 43e degré ou les côtes de la Galicie, en Espagne. De notre côte de l’Atlantique, il descend plus loin vers le Midi. Il fut un temps où il fréquentait les rivières Connecticut, Housatonic et Hudson ; mais où finissent approximativement ses pérégrinations vers le sud ? Au 40½e degré parallèle, on peut estimer qu’il est quasi acclimaté — grâce aux efforts de la commission des pêcheries — dans la Delaware et la Susquehanna qui se déversent dans l’Atlantique, au 37e degré de latitude, et quelques individus ont été capturés dans le Potomac et dans la Caroline du Nord. Autrefois, le Merrinac était rempli de ces poissons, et il existe des rivières à saumon dans le Maine, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, à Terre-Neuve, au Canada, au Labrador. Il remonte le fleuve Saint-Laurent, et se distribue par grandes troupes dans la plupart des nombreuses rivières de la côte nord, jusqu’à la rivière Jacques-Cartier ; à quelques milles au-dessus de Québec et jusqu’à la