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LES POISSONS

d’en diminuer le nombre, pêchez-la, en mer, en rivière, en étangs, à la ligne, au filet, au verveux, dans les hauts parcs, pêchez-la à la vermée, au dard, au nigog, pêchez-la par centaines, par milliers, pêchez-la au lavoriero, par millions, et comptez que la montée suffira toujours pour combler les vides que vous aurez pu faire.

C’est durant le trajet de quarante-cinq milles qui sépare la Pointe-aux-Esquimaux de l’île d’Anticosti, du fond de mon cadre, que je faisais cette étude comparative des résultats tangibles obtenus à Comacchio, par une expérience de plus d’un siècle et des résultats probables que l’on a droit d’attendre d’un établissement similaire, dans des conditions à peu près identiques, à l’île d’Anticosti. Puis, passant à un ordre d’idées immédiatement pratiques, je me disais, à part moi :


Avec les données que j’ai sur Comacchio et sur les marais salés de l’île d’Anticosti, j’ai grandement raison de me détourner de ma route, de sacrifier deux ou trois jours, pour explorer ces marais, qui peuvent devenir une source importante de richesse nationale, en même temps que de fortune individuelle ; mais en somme, à quoi cet examen nécessairement rapide et superficiel peut-il aboutir ? Je n’aurai pas le temps de parcourir ces marais dans toute leur étendue, de m’assurer s’ils communiquent entre eux, ou des moyens de communication qu’on pourrait y établir, si par endroits ils font défaut, des points où embarque la mer, au temps des grandes marées, de la hauteur de ces marées, de la profondeur relative des lagunes, autant d’informations rigoureusement nécessaires. Quant aux barrages, aux chaussées, aux canaux, aux parcs, il me faut forcément laisser cela aux soins d’un ingénieur dont le concours est absolument indispensable. Ce que j’ai à faire consiste à visiter les marais voisins de la Pointe-aux-Bruyères, étudier la nature du sol qui les entoure, les plantes et les arbustes qu’ils nourrissent, les insectes, les coquillages, les petits poissons servant de nourriture à l’anguille, capturer au moins une douzaine de ces poissons, pour juger de leur taille, de leur espèce, de leur âge et de leur poids — et faire ensuite mes déductions, suivant ce que je sais de leurs habitudes, de leurs appétits et de leurs mœurs.

Si, d’après mes observations préliminaires, je crois à la possibilité du succès, je soumettrai le projet, par la voie de la presse, aux capitalistes, aux pêcheurs expérimentés, aux hommes entreprenants qui ne craignent ni les idées ni les voies nouvelles. Une compagnie se formera peut-être, qui décidera de continuer ces travaux d’examen, avec le concours d’un ingénieur, et d’envoyer en Europe des hommes compétents pour étudier le mécanisme de la pêche de Comacchio et faire rapport sur la possibilité de l’adapter avec succès aux lagunes de l’Anticosti. D’un autre côté, les chances de réussite me parussent-elles douteuses, je n’hésiterais pas