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L’ANGUILLE

de l’engourdissement et des batraciens susnommés et de l’anguille, par l’influence de la froidure. Cette expérience a-t-elle été tentée ? Un tel engourdissement existe-t-il chez les mêmes animaux dans les contrées tropicales où les rigueurs de nos hivers sont inconnues ? Aucun des auteurs que nous avons consultés ne donne de solution à ces questions, leurs observations étant limitées à nos régions tempérées, relativement au sujet qui nous occupe, à propos duquel toutefois nous croyons que le cœur lymphatique mérite une attention particulière de la part des savants de tous les pays.

Pour cela, je voudrais, pour rendre la chose pratique et essayer de résoudre le problème, jusqu’ici apparemment insoluble de la reproduction des anguilles, en prendre un certain nombre à l’état adulte, les mettre en lieu favorable et les faire passer graduellement par les diverses températures des saisons, afin de leur faire illusion, par cette nature factice, au point que se croyant chez soi, elles nous livrent, sous globe, le secret que la science a vainement tenté de trouver, dans leur état libre. C’est une suggestion, et rien de plus, mais une suggestion qu’il nous serait facile de réaliser ici, et dont la réalisation nous vaudrait un bon point dans le monde scientifique de l’avenir. Dût-elle échouer que nous aurions encore un mérite, celui d’avoir ouvert au moins une perspective nouvelle aux observations, en vue de la découverte en perspective.


PEAU D’ANGUILLE


La peau d’anguille sert à beaucoup d’usages ; dans plusieurs contrées de l’Europe on en fait des liens assez forts dont on se sert pour les attelages ; en Tartarie, dans le voisinage de la Chine, cette même peau remplace, sans trop de désavantage, les vitres des fenêtres.

Au bon vieux temps, lorsque la ficelle était rare, et ne s’attendait pas à jouer le rôle politique qu’on lui a fait jouer depuis, au Canada, la peau d’anguille était fort utilisée dans nos campagnes ; on en fabriquait de la babiche, servant à l’empaquetage, à la réparation des harnais, des chaussures ; on l’utilisait pour lier la batte au manche du fléau destiné à battre le grain sur l’aire. Une peau d’anguille servait à natter la couette de nos ancêtres, plus chinois de ça que nous ; nos grand’mères ne dédaignaient pas, non plus, de l’employer au même usage. Mais aujourd’hui, le ruban se vend si bon marché que les peaux d’anguille sont décidément discréditées comme article de toilette. Allez donc faire des suivez-moi avec des peaux sentant l’huile rance. On se ruinerait à mener Cupidon en laisse — en gants de Jouvin — avec de pareilles rênes.