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LES POISSONS

tendent que sa croissance est très lente, pendant que d’autres affirment qu’elle se développe en très peu de temps. Baudrillart nous dit :

« Des expériences constatent que les anguilles n’augmentent que d’environ huit pouces de longueur pendant dix ans ; mais si leur croissance est lente elle a lieu pendant longtemps ; car elles peuvent vivre un siècle, quoique quelques auteurs aient voulu limiter leur existence, d’après des observations isolées, à moins de vingt ans. »

De Lacépède est du même avis lorsqu’il écrit : « La croissance de l’anguille se fait très lentement, et nous avons sur la durée de son développement quelques expériences qui m’ont été communiquées par un très bon observateur, M. Septfontaines. Au mois de juin 1779, ce naturaliste mit soixante anguilles dans un réservoir ; elles avaient alors environ vingt-neuf centimètres. Au mois de septembre 1783 leur longueur n’était que de quarante à quarante-trois centimètres ; au mois d’octobre 1786 cette même longueur n’était que de cinquante-un centimètres ; et enfin, en juillet 1788, ces anguilles n’étaient longues que de cinquante-cinq centimètres au plus. Elles ne s’étaient donc allongées, en neuf ans, que de vingt-six centimètres. »

« En 1842, Jung fit une expérience dont les résultats contredisent de tous points les énoncés ci-dessus. Il enleva d’une rivière un certain nombre de petites anguilles et les mit dans un étang bien gardé. Elles y prirent un accroissement excessivement rapide, disparurent toutes à l’approche de l’hiver, mais reparurent au printemps suivant et continuèrent leur accroissement dans le second été, à un tel point que, le vingt-un octobre 1843, celles qui furent examinées avaient déjà atteint soixante-cinq centimètres (deux pieds) de longueur. »

Spalangini arrive à la rescousse pour confirmer l’opinion de Jung : « Si rapide est la croissance de l’anguille, dit-il, que des alevins à peine perceptibles à l’œil nu, en avril, atteindront à l’automne le poids d’une livre, au moins, et se vendront avantageusement sur les marchés sous le nom de civelles. »

J’incline en faveur de ces derniers témoignages. N’eussé-je que l’appétit insatiable, la voracité rageuse de cet animal, pour me former une opinion, que je serais convaincu de la rapidité de sa croissance.

Au dire de Lacépède « les anguilles se nourrissent d’insectes, de vers, d’œufs, de crustacés et de petites espèces de poissons. Elles s’attaquent quelquefois à des animaux un peu plus gros. M. Septfontaines en a vu