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LES POISSONS

nous reste plus vraiment qu’à constater si l’anguille est ovipare ou bien vivipare. Cela ne saurait tarder longtemps, grâce aux ressources de l’électricité, aux progrès de la mécanique appliquée à l’exploration du fond de la mer. N’avons-nous pas déjà des scaphandres à air comprimé, munis d’un appareil électrique qui permet aux plongeurs d’inspecter les plaines de la mer, pendant douze heures, sans remonter au soleil ? On nous promet pour demain le bicycle de l’abîme : nous ferons désormais le plongeon tout comme nous allons courir les champs et les bois aujourd’hui. Quelle délicieuse promenade par les jours de grande chaleur ! Et puis, que de merveilleux paysages ! que de découvertes étranges ! que de trésors enfouis retrouvés ! Ici, des navires chargés d’or : là, des monceaux de perles, des pépites d’or, des pierres précieuses éclairant les ténèbres des profondeurs, de tous côtés des poissons curieux à voir et qui n’ont plus de secret pour nous.


Nous irons à l’eau, ma mignonnette,
Nous irons à l’eau, tous deux.


Qu’apprendrons-nous alors sur le compte de l’anguille ? Si elle est ovipare, je la soupçonne de déposer ses œufs dans les eaux saumâtres sur le seuil même des fleuves où se presse la montée dès le premier printemps. Mais alors, pourquoi laisse-t-elle partir ses petits tout seuls ? Car, si tous les automnes, nous voyons les anguilles descendre en masse à la mer, jamais nous ne voyons d’adultes remonter les cours d’eau au printemps. Est-elle vivipare ? alors j’explique sa disparition par sa mort. Les petites anguilles auront déchiré le ventre de leur mère pour en sortir et l’auront tuée. Cela pourrait avoir un certain air de plausibilité en ce qui concerne les femelles, mais les mâles, va-t-on les voir abîmés dans leur deuil au fond de l’abîme, expirant de douleur, comme l’hirondelle à côté du cadavre de sa bien-aimée ?


Nous irons à l’eau, ma mignonnette,
Nous irons à l’eau, tous deux.