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L’ANGUILLE

l’ont observé, car, vers l’automne, il est certain que les anguilles qui ont passé la belle saison dans les ruisseaux, les rivières et les fleuves se réunissent, s’entrelacent en boule et se laissent dériver au courant. À ce moment, vers l’embouchure de ces cours d’eau plus ou moins considérables dans la mer, les pêcheurs au filet prennent ces paquets enroulés de 20 à 30 anguilles nouées ensemble (De la Blanchère).


Aussi, la théorie ovovipariste compte également de nombreux et fort respectables partisans.

Des pêcheurs exerçant leur état dans la rivière d’Aigre, près de Châteaudun (France), rivière très limpide roulant au milieu de prairies tourbeuses, ont affirmé avoir, plusieurs fois, pris de très grosses anguilles portant leurs petits dans leur ventre d’où ils sortaient devant eux. Joanni rapporte qu’il tient d’un paysan, qu’une grosse anguille mise entre deux plats, fut trouvée au bout de quelques heures entourée de plus de 200 petites anguilles, blanches et filiformes. Un homme digne de foi, que je connais bien, M. Joseph Leroux, du Coteau-du-Lac, comté de Soulanges, ayant déposé, un soir, plusieurs grosses anguilles vivantes dans une cuvette bien fermée, a trouvé, le lendemain, un grand nombre de petits vers blancs de forme étrange de la longueur d’un pouce au fond du vase ; d’autres personnes de l’endroit, témoins du fait, attestent de son exactitude.

Aux yeux de Valenciennes, ces petits vers blancs sont des ascarides vermiculaires, des vers intestinaux, c’est-à-dire des ennemis rongeurs plutôt que des enfants de la prétendue mère anguille. Il peut en être ainsi, mais n’aurait-on pas lieu de croire, avec non moins de plausibilité apparente, que ces grosses anguilles, si gloutonnes, si voraces auront avalé à pleine gueule, dans leurs nids, bien connus d’elles, dans la vase ou les fonds de gravier, quelques pelotes de ces petites anguilles vibryonnaires attendant le développernent de leurs forces pour se risquer hors de leur berceau, à l’aventure, et que gorgées outre mesure, elles auront laissé échapper avec leur dernier soupir une partie de leur dernier repas ? On sait que l’heure du dîner sonnant dans l’estomac d’un poisson carnivore, il ne regarde pas à l’espèce qui lui tombe sous la dent, que les siens y passent des premiers, s’ils sont plus à sa portée que d’autres. Il ne les épargne que lorsqu’il est à demi rassasié. Quel est le pêcheur au maskinongé, au brochet, au sandre, qui, rendu à la maison et vidant son panier de pêche, n’a pas été surpris d’y trouver des pièces d’assez belle taille, à peine entamées d’un coup de dent et quelquefois intactes, de la même espèce que les plus gros qu’il reconnaissait bien, soit pour le plaisir soit pour la peine qu’ils lui avaient donné en les tirant de l’eau ? Comment ces survenants se trouvaient-ils là à son insu ? Évidemment