Page:Montpetit - Poissons d'eau douce du Canada, 1897.pdf/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
LA BARBUE

ses anneaux aux oreilles. Neckel et Kner rapportent également qu’on trouva dans l’estomac d’un glanis capturé à Presbourg, les restes d’un jeune garçon dans celui d’un troisième une oie que l’animal avait noyée avant de la dévorer.

Les habitants du Danube et de ses affluents redoutent le silure et ne se baignent jamais dans les eaux qu’il fréquente. D’après Gamelin, le silure secoue avec sa queue, lors des inondations, les arbustes sur lesquels se sont réfugiés les animaux terrestres, de manière à les faire tomber et à s’en emparer. Tout ceci peut paraître exagéré, mais on s’en accommode quelque peu lorsqu’on songe qu’il est des silures longs de dix pieds et si gros qu’un homme peut à peine les embrasser.

Au temps du frai, de mai à juin, les silures s’approchent des rivages par couples, et viennent attacher leurs œufs flottants et gluants a des fucus ou des roseaux. Pendant le temps de l’incubation les parents restent à peu de distance du précieux radeau, dans des eaux peu profondes, ce qu’ils ne font jamais en dehors de la saison du frai. La femelle pond de 15 à 20,000 œufs d’où sortent, huit ou dix jours après, de petits animaux qui ressemblent pas mal à des têtards. D’après Valenciennes, ce qu’Aristote rapporte avec détails, et en deux endroits, le soin que le silure mâle prend des œufs de sa femelle tient un peu du merveilleux. Selon lui les grands silures les déposent dans les eaux profondes ; ceux de moindre taille entre les racines des saules, des aulnes, entre les roseaux et même dans la mousse. La femelle, après les avoir pondus, les quitte ; mais le mâle les garde et les défend jusqu’à l’éclosion et plusieurs jours encore après.

Voilà pour le silure glanis d’Europe. En le comparant à notre barbue, à l’ictalarus nigricans du bassin du fleuve Saint-Laurent et des grands lacs, nous constatons que ce dernier est de bien moins forte taille, puisqu’il ne dépasse jamais cent livres, lorsque son congénère d’Europe atteint le poids de cinq cents livres ; nous constatons aussi que s’ils se ressemblent par la forme de la tête, la couleur et la texture de la peau, par la couleur bleue des yeux, ils diffèrent considérablement par la conformation et la disposition de leurs nageoires dorsales, anale et ventrale. Quant aux mœurs, nous admettons qu’elles sont à peu près les mêmes : nos grands silures ne viennent jamais près des rives pour y déposer leurs œufs, ils se tiennent constamment au fond d’eaux profondes, sous des courants rapides où pour les capturer on fait usage de lignes dormantes ou de longues et fortes lignes à fronder munies de plombs d’une demi-livre au moins. Rien dans l’histoire de notre barbue ne rappelle les traits de férocité attribués par les auteurs au glanis du Danube, de la mer Caspienne et autres lieux. Les esches dont on se sert pour pêcher la barbue à l’automne, lorsqu’elle se met en chasse, lorsqu’elle sent le