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L’ALOSE

Surpris dans leur descente vers la mer où ils vont passer l’hiver dans des eaux profondes à température modérée, refoulés vers les eaux glacées du fleuve, ils y ont péri de froid. Leur mort sera probablement cause d’une diminution dans le rendement de la pêche à l’alose, que nous pourrons constater d’ici à peu d’années. Voilà ce que je disais alors et le temps m’a malheureusement donné raison.

Pour remettre nos rivières à aloses dans les mêmes conditions qu’autrefois, il faudra imiter nos voisins, recourir à la reproduction artificielle, en se gardant bien de tomber dans l’erreur des pêcheurs d’Ontario, qui croyant semer du frai d’alose dans leurs beaux grands lacs, les ont empestés de gasparots bons tout au plus à nourrir le doré et le namaycush ou à faire des engrais. Devenue rare dans le fleuve Saint-Laurent l’alose ne paraît pas diminuer en nombre aux États-Unis, et elle y est en plus grande faveur que jamais, spécialement dans les rivières tributaires de l’Atlantique : les baies du Chesapeake et du Delaware en fourmillent tous les printemps. On la capture avec divers engins de pêche, surtout à la seine et aux filets dérivants. Les prix varient de cinq à cinquante piastres le cent, suivant l’abondance et la taille du poisson, ce qui explique le soin extrême que donnent les Américains à la culture et à la propagation de ce clupéidé et la protection attentive dont ils l’entourent.

L’alose est le premier poisson marin qui ait été l’objet de la piscieulture aux États-Unis. Dès l’année 1867, Seth Green est parvenu à féconder artiticiellement les œufs de ce poisson, et après les avoir fait se développer il a pu en verser des quantités énormes dans le Merrimac, le lac Vinnipegosis, le Penigewasset, d’où la descente s’est faite à la mer. C. Daniel et C. Hardy ont également réussi de pareilles opérations.

On doit à MM. Frédéric Mather et Charles Bell un appareil très simple qui permet d’obtenir l’éclosion des œufs de l’alose en laboratoire. Cet appareil consiste en un entonnoir en métal auquel est soudée une bordure métallique ; un large rebord forme, à l’extérieur, une rigole circulaire qui porte un ajustage latéral pour la sortie de l’eau. Vers le fond de l’entonnoir se trouve une cloison horizontalement placée, en toile métallique à mailles fines, sur laquelle on dispose les œufs. L’appareil étant suspendu à une potence, l’eau arrive au moyen d’un tube en caoutchouc fixé au bas de l’entonnoir ; le courant pénétrant sous une certaine pression entraîne les œufs de bas en haut et dans une direction excentrique : ce courant, perdant peu à peu de sa force en devenant plus large, ne peut plus soutenir les œufs, qui tombent sur la paroi inclinée de l’entonnoir, roulent vers le fond et sont de nouveau repris : cette agitation continuelle est des plus favorables à l’éclosion.