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LE POISSON CASTOR

déjà, la terre durcie formait une masse fendillée sur plusieurs points par la dessiccation. Ce sont ces ouvertures qui permettent l’arrivée d’une petite quantité d’air pour les besoins de la respiration.

« Au bout de soixante-dix jours j’explorai le sol et je pus constater que les deux animaux avaient trouvé les conditions favorables pour traverser sans danger la saison de sécheresse artificiellement produite, car ils étaient enveloppés dans des cocons et pleins de vie, comme le prouvaient leurs mouvements provoqués par le plus léger attouchement.

« Le cocon est donc un étui protecteur produit par une sécrétion muqueuse. Un des cocons venus de la Gambie et d’apparence absolument identique à ceux qui ont été faits dans l’aquarium, où il n’y avait que de l’eau et de la terre, n’offrait aucune trace de tissu végétal. Mon confrère, le professeur Decaisne, s’en est assuré par l’examen microscopique, et la substance répandait, en brûlant, l’odeur caractéristique des matières animales soumises à la combustion.

« La mucosité abondamment sécrétée, j’en ai eu la preuve, recouvre d’abord et agglutine les parties du sol que le lépidosirène (protoptère) traverse : aussi les parois du canal souterrain qu’il s’était creusé et qui resta béant, étaient-elles après la dessiccation, lisses et comme polies, puis, dans le lieu où il s’arrête, la sécrétion devenant plus active encore, la mucosité se dessèche et acquiert la consistance d’une enveloppe membraneuse remarquable par sa structure.

« D’après Günther, « les amies peuvent atteindre la longueur de deux pieds. Ce sont des animaux qui se nourrissent de petits poissons, de crustacés, d’insectes aquatiques.

« Wilder a observé la manière dont respirent ces animaux ; ils viennent à la surface de l’eau, et, sans lâcher les bulles d’air, ouvrent largement la gueule et avalent une grande quantité d’air ; cet acte se passe surtout et plus fréquemment lorsque l’eau est impure et ne contient pas beaucoup d’air respirable ; il est certain dès lors que les amies peuvent respirer l’air en nature. Leur chair n’est pas estimée. »


Le poisson-castor de la province de Québec est destiné à disparaître bientôt. Du jour où les dragues du gouvernement enlèveront les bancs de la rive sud du lac Saint-Pierre où il a son gîte, c’en sera fait de lui. On l’emportera avec les vases qui lui serviront de tombe. Que je vous offre au moins son portrait comme souvenir de l’un des plus anciens habitants de notre globe :


Corps allongé, comprimé en arrière, arrondi de l’avant ; tête subconique, à museau obtus, légèrement comprimée ; les os de la boîte ravinés et très durs, recouverts d’une peau très mince. Museau court et arrondi.