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LE POISSON ARMÉ

jamais revu l’élément natal. Volontiers, je les eusse conservés dans un bocal, mais qui s’intéresse à ces curiosités ichtyologiques au Canada ? Le musée d’Ottawa, après avoir visité l’Europe et l’Amérique, gît aujourd’hui dans une solitude profonde, sous une couche très respectée de poussière. Si par hasard un visiteur s’y égare, il se hâte d’en déguerpir, sur le bout du pied, se croyant dans un asile de mort, et craignant d’en réveiller les habitants.

Il y a trois ans, je préparai un catalogue élaboré des poissons de ce musée, avec leurs noms scientifiques, usuels et vulgaires, en diverses langues mortes ou vivantes ; je le soumis au ministre des pêcheries d’alors, en lui proposant de le faire imprimer avec addition de gravures représentant les spécimens empaillés. Le ministre me fit l’honneur de me féliciter de mon travail et s’empressa de me le renvoyer. Il est là, dans mes cartons, dormant dans la poussière, comme le musée lui-même. Quelle est la main généreuse qui leur appliquera une poussée pour les réveiller ?

« Les lépidostidés, dit le Dr Sauvage, qui sont des ganoïdes holostés ou à squelette osseux, comprennent des poissons au corps allongé, subcylindrique, ressemblant à celui du brochet, recouvert d’écailles osseuses, à surface émaillée, disposées en séries régulières ; la dorsale, très reculée, est opposée à l’anale, et composée, ainsi que celle-ci, seulement de rayons articulés ; la queue est hétérocerque ou asymétrique ; toutes les nageoires sont garnies de fulcres, ces petites écailles de forme particulière que nous avons dit être spéciales aux ganoïdes. Les rayons branchiostèges ne sont pas accompagnés de plaques osseuses. Les vertèbres s’articulent entre elles comme chez la plupart des reptiles ; ces os présentent, en effet, en avant, une tête articulaire, et en arrière, une concavité correspondante. Le crâne a la forme d’une massue à base carrée et à manche allongé. La face offre cette particularité que les maxillaires supérieurs sont décomposés en une série de pièces allongées, articulées bout à bout.

« La vessie natatoire, divisée en deux parties latérales, présente des brides charnues entre les alvéoles de sa paroi, et s’ouvre par une fente longitudinale dans la partie supérieure du pharynx. Cette vessie a été regardée par plusieurs anatomistes comme un appareil respiratoire, car l’ouverture œsophagienne pourrait livrer passage à l’air extérieur. « Un lépidosté, dit Poey, placé dans un bassin rempli d’eau, y restait en repos tout le jour ; la respiration branchiale s’effectuait par un mouvement continuel et à peine visible de la mâchoire inférieure, et par un déplacement un peu plus apparent des opercules ; quarante mouvements respiratoires pouvaient être comptés par minute : huit fois environ ou douze fois par minute il venait à la surface respirer de l’air, et retournait