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LES POISSONS

Cette colle à bouche, la plus fine de toutes les colles, la colle à fausses perles, la colle à timbre, la colle à enveloppe satinée faite pour des lèvres roses ou pour des poulets de ministres, vivant dans des cages parfumées, ne provient-elle pas de la vessie natatoire du sterlet ? Pour avoir causé tant de folles dépenses, qu’il nous serve au moins de transition vers un sujet purement industriel et économique : l’ichtyocolle.


DE L’ICHTYOCOLLE


« La colle de poisson, dit de Brehm, est préparée dans divers pays et peut, du reste, se fabriquer avec les vessies natatoires de tous les poissons, mais en Russie on ne l’obtient qu’avec le corrégone, la carpe et l’esturgeon.

« Les vessies de carpe sont séchées sur des tables où elles sont déposées bout à bout, ce qui les fait s’agglutiner en une grande feuille qu’on découpe ensuite à la hache ; cette colle est de qualité inférieure, ainsi que la colle de silure et de corrégone.

« La colle d’esturgeon est pour la Russie le produit le plus considérable de la pêche, et il s’en expédie, chaque année, une grande quantité pour la fabrication du porter ; d’après une liste de marchandises exportées de Saint-Pétersbourg pour l’Angleterre, depuis 1753 jusqu’en 1793, Pallas nous apprend que les bâtiments anglais ont chargé, en 1788, jusqu’à 6850 pouds de colle de poisson ; or, 1000 grands esturgeons ne rendent à peu près que sept pouds et demi de cette substance, 1000 sterlets n’en donnent même pas deux pouds et demi (le poud équivaut à quarante livres) ; il n’est donc pas étonnant que l’ichtyocolle de bonne qualité se soutienne à un prix assez élevé, malgré l’abondance du poisson dans les eaux de la Russie, et la modicité des salaires.

« La colle la plus estimée est celle qui s’extrait du sterlet. Après avoir ouvert le poisson et retiré soigneusement les œufs, on détache avec beaucoup de précautions la vessie natatoire très adhérente au corps ; on la met dans des seaux que l’on transporte à un endroit spécial du ponton ou radeau affecté à ce travail de l’ichtyocolle. Là, sous la surveillance d’un contremaître, les femmes lavent la vessie à grande eau jusqu’à ce que toute trace de sang ait disparu. Les vessies sont alors pendues suivant leur longueur et plongées pendant quelques heures dans de l’eau glacée, puis séchées au soleil, la surface interne étant placée en dessus ; dès que cette surface est devenue lisse et comme satinée, des ouvriers s’emparent des vessies et enlèvent avec précaution la surface externe ; cela fait, les