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LES POISSONS

matières, ne s’est pas gêné de recourir à des autorités plus rapprochées de lui qu’elles ne sont de moi. Or, voici ce qu’il dit :

« On prépare actuellement, en Russie, deux espèces de caviar, le caviar liquide qu’on nomme aussi caviar à grains, et le caviar solide. Le caviar le plus estimé se fait avec les œufs du bélouga ou grand hausen ; les œufs de l’esturgeon commun et du sewringa, mélangés ensemble, donnent un caviar moins estimé ; quant aux œufs extrêmement petits du sterlet, ils fournissent un caviar qui est consommé sur place par les pêcheurs et les ouvriers. »

M. Danilewsky va parler à son tour : « On met le caviar qu’on a retiré du poisson, et dont le noir et le gris foncé est la couleur naturelle, sur un tapis composé d’un cadre en bois sur lequel on a tendu un filet en cordon ou en fil d’archal, en mailles très serrées à travers lesquelles les grains de caviar doivent pourtant facilement passer. On étend le caviar sur ce tamis en le pressant entre les mains. Par ce procédé, les grains se séparent des parois de l’ovaire dont ils sont entourés, en tombant à travers les mailles du tamis dans un demi-tonneau ou un autre vase en bois, tandis que les fibres de l’ovaire, entremêlées de graisse, restent sur le tamis. Quand on a l’intention de préparer du caviar liquide, on met dans le vase qui reçoit les grains de caviar, du meilleur sel en poudre fine en proportion de une demi-livre à quatre demi-livres sur un poud de caviar, selon la saison ou la température. Moins le caviar est salé plus on l’estime ; mais le caviar liquide peu salé ne peut être préparé que pendant les froids de l’hiver, car il ne se conserve que très peu de temps gelé. Quand on remue le caviar avec le sel, il se sent au toucher, d’abord comme une pâte homogène et liquide : mais bientôt les grains acquièrent plus de résistance, en s’imbibant de sel, et on a la sensation comme si l’on remuait un tas de perles. C’est le signe que le caviar est fait à point. On le transvase alors dans des barils de tilleul, les seuls qui ne lui communiquent aucun goût désagréable.

« Si on veut préparer du caviar solide, on verse dans le vase qui doit réunir les grains du caviar une dissolution de sel dont le degré de concentration varie selon la saison et la température. Pour que chaque grain s’imprègne bien de sel, on imprime à la saumure un mouvement circulaire, en la remuant avec la pelle, toujours dans le même sens, puis on verse toute la masse sur un grand tamis en crin. Quand le liquide superflu s’est écoulé, on met le caviar dans des sacs de nattes ; on place ces sacs sous presse pour en supprimer la saumure superflue et pour les comprimer en une masse compacte. Il va sans dire que cette compression écrase beaucoup de grains du caviar, dont le contenu