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L’ESTURGEON


DU CAVIAR ET DE SA PRÉPARATION


Faire une description de l’esturgeon sans parler du caviar c’est tout simplement prendre un repas sans dessert.

D’où nous vient ce caviar, hors-d’œuvre national des Russes, de chez qui le goût commence à se répandre jusqu’aux États-Unis ? On sait bien que c’est le hard-roe, ou œufs de l’esturgeon, mais on ignore les manipulations que nécessite ce produit gastronomique. C’est là un sujet assez intéressant, méritant le travail très étudié que le docteur Lawrence Hamilton lui a consacré et qui a été traduit par le Journal d’hygiène.

Par extension, on a donné le nom de caviar aux œufs et laites d’un grand nombre d’autres poissons, comme, par exemple, la carpe (que les Israélites orthodoxes auraient substituée, vers le XVIIe siècle, à l’esturgeon, par la raison que ce dernier engendrait la lèpre) ; la morue, que les Norvégiens font sécher au soleil, et dont ils se servent en guise de cornichons (pickle) : le mulet rouge — qui, dans l’Inde, est ajouté à certains condirnents (curries) — et que les Italiens désignent sous le nom de bottarago ; le zander ou doré, qui, dans la province de l’Astrakan, est exporté sous le nom de tchastikovi ; le homard, dont on utilise la coloration rouge des œufs : c’est dans la gelée huileuse que renferme l’œuf d’esturgeon que réside cette saveur délicate, ce flaveur qu’appréciait tant Hamlet, l’un des héros de Shakespeare.

Grâce à son goût légèrement acide, le caviar — surtout lorsque l’esturgeon est pêché en eaux profondes — stimule l’appétit en favorisant la sécrétion du suc gastrique.

Les Chinois pêchent l’esturgeon avec des lignes agitées de 2,000 pieds de long, sur lesquelles sont implantés 8,000 hameçons sans appâts. Ils ramènent ainsi des esturgeons pesant plus d’une centaine de livres.

Dès que l’animal est à bord, et pendant qu’il est encore en vie, on ouvre la cavité abdominale pour atteindre les ovaires et en retirer les œufs recouverts par une fine membrane servant d’enveloppe et de sac ; leur quantité est si considérable que leur poids atteint, en général, le tiers du poids total du poisson. Après l’extraction, on sale, on sèche, on emballe, on embarille, et voilà la noire confiture toute prête à se laisser consommer.

Je consulte encore le savant Dr Sauvage, me fiant que lui aussi, en ces