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L’ESTURGEON

Dans son Manuel du géologue, Dana dit : « Les premiers des poissons, au lieu d’être du degré le plus inférieur, appartenaient aux espèces les plus parfaites. C’étaient des ganoïdes ou poissons reptiliens, c’est-à-dire intermédiaires entre les poissons et les reptiles ; c’étaient des poissons comprenant dans leur structure quelques caractères reptiliens, et par suite nommés types compréhensifs (voir le lépidosté osseux). »

Le groupe des Ganoïdes ne repose à proprement parler que sur un seul caractère commun, l’identité osseuse des écailles — retrouvées dans des dépouilles fossiles nécessairement informes — qui sont un témoignage incontestable de l’antiquité de ces espèces portant cuirasse, armées en chevaliers, dix mille, cent mille ans peut-être avant les croisades, et vivant en sybarites dans des eaux étuvées, presque bouillantes. Cette armure qui les protégeait jadis contre des effluves brûlantes ne leur vaut aujourd’hui que la considération prêtée à ce qui dure longtemps.

Laissons parler l’histoire, nous y trouverons bientôt profit. J’emprunte ici une page aux Merveilles de la Nature de Brehn :

« En 1833, Louis Agassiz, étudiant les poissons fossiles, s’aperçut rapidernent que les caractères à l’aide desquels on classe les poissons actuels ne pouvaient lui être d’aucun secours pour la détermination : les organes mous ont en effet toujours disparu, et le paléontologiste n’a le plus souvent à sa disposition que des débris isolés, que des parties fragmentées, des écailles ou des dents détachées, rarement un animal entier, et encore, dans ce dernier cas de beaucoup le plus favorable, nous n’avons pas la dentition de la voûte palatine qui donne de si bons caractères, et il nous manque encore beaucoup de renseignements.

« Frappé de ce fait, Agassiz chercha s’il ne trouverait pas dans les caractères purement extérieurs les bases d’une classification, et c’est ainsi qu’il fut amené à diviser les poissons en quatre grands groupes, d’après la nature des écailles. »

Pictet a pu dire que la création de l’ordre des ganoïdes « a été le trait de génie qui domine l’ensemble du bel ouvrage sur les Poissons fossiles, par Agassiz. » Mais c’est aux patientes observations anatomiques de Johannès Muller, que nous devons de voir la famille des ganoïdes aussi simplifiée qu’elle l’est aujourd’hui.

C’est Brehm qui va reprendre ici la parole :

« Dans l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de donner une définition exacte des ganoïdes pris dans leur ensemble, car il n’existe pas